samedi 18 novembre 2017

Hypnose électrique (Blade runner 2049)

Par sa beauté visuelle, sa musique électronique envoûtante et son vertige métaphysique, alliés aux conditions désastreuses de sa sortie en salle,  « Blade runner » fait partie de ces légendes du cinéma. Il figure ainsi derrière « 2001 : l’odyssée de l’espace » au sommet du panthéon des films de science-fiction au coude à coude avec « Alien, le huitième passager » - réalisé avant « Blade runner » par le même Ridley Scott ! Etant donné la malédiction qui semblait s’être abattue sur le film à sa sortie, espérer qu’une suite voie le jour avait tout du rêve impossible. Surtout maintenant qu’avec les années et les ressorties, le film a acquis un statut de chef-d’œuvre indiscutable, à la limite de l’intouchable. Mais le projet de faire une suite à « Blade runner » est pourtant bien entré en discussion, puis devenu de moins en moins fou jusqu’à être complètement convaincant lorsque Ridley Scott s’est retiré de la réalisation pour la confier à Denis Villeneuve – un choix tout simplement parfait (comme tout ce que fait Denis Villeneuve). C’est rare, mais on avait donc toutes les raisons d’y croire.


Contemplation
« Blade runner 2049 » est une splendeur visuelle rare, pour ne pas dire inouïe. Il n’y a pas un plan du film qui ne suscite l’admiration ! Celle-ci est moins un héritage du film original que la marque de Denis Villeneuve, dont le style visuel en fait peut-être le meilleur héritier actuel de Kubrick. Les cadrages, la photographie, la direction artistique : la beauté est partout. En conséquence, « Blade runner 2049 » n’est pas un film qui se regarde, mais un film qui se contemple. Le spectateur est aidé en cela par le rythme lent du montage, qui vise – avec succès  –  à l’hypnose. A ce propos, avoir pu imposer un tel rythme est une véritable incongruité dans le champ des blockbusters, une preuve évidente de la liberté de Villeneuve lors de la création du long-métrage… ou de sa force de conviction ! Pour tout dire, même Ridley Scott aujourd’hui ne se serait pas permis un tel montage.

Vertiges
« Blade runner 2049 » est aussi une histoire d’une intelligence rare. Ne pas avoir tranché sur la nature réplicante ou humaine de Rick Deckard en est le meilleur exemple. Au niveau de la construction narrative, le faux twist que l’on croit deviner au premier tiers du film mais qui ne sert qu’à mieux cacher le vrai est un coup d’éclat.
Le mystère central autour duquel tout le film est articulé provoque, après la surprise, le même vertige métaphysique que le film original. « Blade runner 2049 » prolonge en fait et les approfondit les questionnements sur la nature humaine de « Blade runner », en ajoutant notamment les intelligences artificielles à la confusion entre réplicant et humain. (Sur ce sujet, « Blade runner 2049 » s’impose comme la nouvelle référence cinématographique – il écrase et renvoie par exemple à l’insignifiance les récents « Ghost in the shell » et « Her ».) Meilleur exemple de cette confusion, l’incroyable scène d’amour désynchronisée par la procuration d’une femme entre l’androïde K et l’I.A. Joi, extrêmement troublante et émouvante, est la plus belle et audacieuse idée du film.
« Blade runner 2049 » est tissé d’une multitude d’échos au film originel – des scènes sont d’explicites remakes de scènes emblématiques de « Blade runner ». Il en est aussi une explication de texte, une tentative de le comprendre : lorsque l’industriel Wallace interroge Rick Deckard sur le mystère de sa nature lors de leur confrontation finale, c’est la fiction qui s’autoanalyse et se met en doute – le film est alors complètement « dickien » (digne des doutes métaphysiques de Philip K. Dick).
Les plus beaux échos au film originel concernent la musique. La bande originale est une recombinaison de la mythique bande originale de Vangelis. Elle est d’ailleurs si constitutive de l’émotion de « Blade runner » que la simple reprise de « Tears in the rain » à la toute fin arrache des larmes et déclenche le sommet émotionnel du film.
Parce que « Blade runner 2049 » ne pourrait pas exister s’il n’y avait pas eu « Blade runner », la question de savoir si le film de Denis Villeneuve a dépassé le film de Ridley Scott ne peut pas être posée. Mais il en est digne, indubitablement. « Blade runner 2049 » est une nouvelle date dans l’histoire du cinéma de science-fiction.

On retiendra…
La beauté du film. Son rythme hypnotique. Les vertiges qu’il procure, en reprenant avec intelligence pour les amplifier les thèmes de « Blade runner ».

On oubliera…
La bande originale manque un peu d’audace.


« Blade runner 2049 » de Denis Villeneuve, avec Ryan Gosling, Harison Ford,…

1 commentaire:

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