jeudi 25 août 2016

Presque sans reproche (Star Trek sans limites)

Après avoir réalisé la spectaculaire remise à jour de la saga « Star Trek » avec « Star Trek » (2009) et « Star Trek into darkness » (2013), JJ Abrams, a essayé de faire de même avec « Star Wars VII, le réveil de la Force ». Il n’était donc plus disponible pour réaliser ce troisième volet des nouvelles aventures du capitaine Kirk et de M. Spock. « Star Trek sans limites » a donc été confié à Justin Lin, réalisateur de trois opus de la saga « Fast and furious ». Le film sort 50 ans après le début de la première série ayant donné naissance à l’univers « Star Trek » créé par Gene Roddenberry.


Continuité
L’annonce du recrutement de Justin Lin comme réalisateur à la place de JJ Abrams faisait plutôt peur. Mais l’on est rassuré dès les premières images : s’il n’est pas réalisateur, Abrams officie toujours comme producteur, et a semble-t-il imposé à Lin de reprendre les principes de la mise en scène qu’il a développé dans les deux précédents films de la saga.
Excepté les lens flares (dommage), on retrouve, avec soulagement tout d’abord, ce qui faisait l’excellence des opus d’Abrams. « Star Trek sans limites » s’inscrit ainsi dans leur exacte continuité : c'est coloré, intelligent, formidablement drôle, et mené à un rythme ébouriffant du début à la fin. La manière dont l'action est lancée puis relancée en permanence témoigne une fois de plus d'une virtuosité d'écriture hallucinante, portée par une mise en scène tout en mouvement qui sait ménager lisibilité, surprises (jeux d'échelle, de perspective et ruptures de tons abondent), « sense of wonder » (le graal de tout film de science-fiction, notamment avec cette ville-station qui donne le vertige) et réflexion. La photographie est magnifique, les couleurs sont éclatantes, l'utilisation du numérique (calquée comme tout le reste sur le travail d’Abrams) est extrêmement habile. On retrouve avec beaucoup de plaisir les acteurs très attachants incarnant l’équipage devenu emblématique de l’Enterprise – on voit qu'ils s'amusent autant que eux nous amusent –, on jubile d’écouter le thème « Star Trek » de Michael Giacchino (l’une des musiques les plus épiques jamais composées !).

La recette Bad Robot
Si le travail est donc très bien fait, qu’on est heureux que la santé de cette saga soit toujours aussi éclatante, l’absence de réelle nouveauté est quelque part regrettable. Justin Lin copie bien Abrams, mais n’a exactement son talent : le rythme en particulier est, comme je l’ai écrit, ébouriffant, mais pas autant que dans les deux opus d’Abrams. Et le fait que Lin copie une mise en scène amène à se demander ce qu’il apporte de personnel à ce film. Où est sa « patte » ? Il manque du coup un tout petit supplément d’âme à cet opus.
Un autre reproche, ou plutôt avertissement, peut aussi être adressé aux producteurs du film. Est-ce à cause de la présence de Simon Pegg au casting des deux sagas dans des rôles très similaires ? Se dessine en tout cas une certaine parenté dans le ton et l’écriture entre les sagas « Mission impossible » et « Star Trek » depuis leur reprise en main par Abrams et sa société de production Bad Robot. Se dirige-t-on vers une certaine standardisation « Bad Robot » des deux sagas ?

Hommage inédit
Ce film est cependant une très grande réussite, qui écrase par sa vivacité et son intelligence tous les blockbusters sortis cet été, qui aura donc été particulièrement mauvais en 2016. Surtout, il ménage un hommage historique, dans une scène d’une très grande force peut-être encore jamais vue ailleurs au cinéma. La reprise en main de la saga par Abrams s’est accompagnée d’une gestion hors du commun de la mythologie « Star Trek » : dans chaque nouveau film, les célébrations et renvois à la saga originale sont légions mais jamais pesants, puisque rigolos, subtils, et porteurs d’un double sens qui enrichissent considérablement la lecture et le ressenti de chaque film d’une densité historique et nostalgique. Pendant la pré-production de « Star Trek sans limites », l’interprète original de Spock, Leonard Nimoy, est décédé. Les scénaristes lui ont imaginé un hommage inédit avec cette scène où le « nouveau » Spock joué par Zachary Quinto verse une larme en l'honneur de l'acteur ayant joué Spock dans la saga originale... Voir un personnage (censément ne pas ressentir d’émotions) pleurer la mort de son interprète est sûrement la plus belle idée de cinéma de « Star Trek sans limites ».
Et c’est aussi avec une certaine émotion que l’on voit à l’écran la dernière apparition d’Anton Yelchin (bien qu’évidemment aucun hommage ne lui soit rendu en particulier dans ce film).

On retiendra…
Changement de réalisateur, mas toujours la même vitalité « abramsienne » : rythme, couleur, humour et intelligence, sense of wonder et sentiment épique.

On oubliera…
En reprenant – très bien – la manière d’Abrams, Justin Lin renonce aussi à donner une personnalité qui lui soit propre à son film.


« Star Trek sans limites » de Justin Lin, avec Chris Pine, Zachary Quinto, Simon Pegg,…