vendredi 23 septembre 2016

Un nouvel ami (Frantz)

François Ozon, toujours aussi malicieux, aime tendre des pièges à ses spectateurs. On croit dès le début avoir éventé le secret de son dernier film, « Frantz ». Pendant la première partie du film, le réalisateur d’« Une nouvelle amie » sème de faux indices qui vont dans le sens de ce qu’on peut attendre de lui connaissant les thèmes favoris de l’auteur… mais ce n’est que pour mieux nous tromper au moment de la révélation du secret. S’il ne s’agit pas pour autant d’une énorme surprise, il faut reconnaitre l’habileté pourtant connue du réalisateur à déjouer les attentes et manipuler ses spectateurs.


Un mélodrame qui veut en faire trop
« Frantz » raconte comment l’arrivé d’un ex-poilu français, Adrien, vient bouleverser le deuil d’une famille (ses parents et sa fiancée, Anna) d’un soldat allemand en 1919 en Allemagne.
Le film a deux intérêts. Le premier est qu’il s’agit d’une histoire où les personnages principaux sont dès le départ très tristes, mais semblent à chaque péripétie sur le point d’accéder au bonheur… que le scénario leur refusera à chaque fois, repoussant toujours ce bonheur par un nouveau « coup de théâtre » malheureux. Cet espoir de bonheur, toujours proche mais toujours hors de portée, qui se dérobe à chaque fois qu’Anna essaye de s’en saisir, est à la fois émouvant et un peu problématique, tant le film accumule les péripéties, qui peuvent du coup paraître fabriquées. C’est moins un problème de vraisemblance (le scénario est très bien écrit) qu’un problème de rythme, les péripéties s’enchaînant trop vite. Se produit au final une bizarre impression de décalage : le film se veut beaucoup plus émouvant qu’il ne l’est effectivement.
Le second intérêt du film est qu’avec ces deux parties en miroir, la première en Allemagne et la deuxième en France, il dépeint très bien les relations franco-allemandes de l’entre-deux-guerres et permet de mesurer par comparaison avec celles d’aujourd’hui l’ampleur du changement... tout en rappelant que ce qui a déjà existé risque toujours de se reproduire si on n’y prend pas garde  – l’Histoire nous ramène toujours au présent.

N&B
Il faut aussi commenter l’une des plus grandes particularités de ce nouveau film de François Ozon : le réalisateur a pour la première fois choisi le noir et blanc. Un choix raccord avec les images que l’on garde de l’époque où se déroule l’histoire du film, et qui participe donc pleinement à l’effort de reconstitution de cette époque. Mais le réalisateur a voulu aller plus loin et utiliser ce noir et blanc comme un outil supplémentaire à sa mise en scène, puisqu’il se permet de passer du noir et blanc à la couleur lors de certaines séquences pour leur donner plus de poids et de sens. Par exemple, lorsque le film montre des souvenirs heureux d’avant-guerre d’Anna, ces souvenirs sont montrés en couleur. A priori, c’est une très bonne idée car Ozon évite tout systématisme en n’utilisant pas ce passage à la couleur pour une seule et même raison (les justifications du passage à la couleur sont heureusement plus complexes qu’un simple changement d’humeur). Et pourtant, on ne peut s’empêcher de trouver un peu facile et grossier ce procédé, sûrement parce qu’il est trop souvent utilisé dans le film (et trop tôt).
Au final, avec ce nouveau film, François Ozon propose des idées formelles et d’écriture intéressantes, mais qui ne sont qu’imparfaitement mises en œuvre.

On retiendra…
Un mélodrame surprenant par le nombre de ses péripéties. Une excellente reconstitution de l’époque de l’entre-deux-guerres. De très bons acteurs.

On oubliera…
Le film ne parvient pas à émouvoir autant qu’il le voudrait. L’utilisation du noir et blanc qui se colore semble un procédé un peu trop répétitif.


« Frantz » de François Ozon, avec Paula Beer, Pierre Niney,…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire