dimanche 20 avril 2014

Après moi le déluge (Noé)


-          On ne s’est toujours pas vraiment remis de la tornade « Black swan » en 2011. Le succès de cet inoubliable film a donné confiance aux producteurs d’Hollywood pour que Darren Aronofsky réalise son premier film à gros budget. Celui-ci en a profité pour s’attaquer à l’un de ses rêves d’enfance : « Noé ».
-          Ce n’était pas forcément notre rêve à nous… Le « film d’après », celui qui suit un chef-d’œuvre, est toujours attendu avec un mélange d’espoir et de crainte. Mais un tel sujet – un péplum biblique – ne faisait qu’exacerber les composantes de cette attente.
-          Et au final… Après avoir vu le film, je suis toujours autant déconcerté ! L’intention d’Aronofsky était claire : réaliser une épopée monumentale, un opéra mythologique et écologiste.
-          Je tiens à préciser que, bien évidemment, nul prosélytisme religieux dans « Noé » : Aronofsky s’empare de ce mythe comme il aurait pu le faire d’un héros de la mythologie grecque. Son but est bien, avec cette figure de l’inconscient collectif, d’atteindre à une grandeur épique.
-          L’ambition était belle… mais elle n’est pas complètement accomplie. Ce qui frappe tout de suite est la tonalité « heroic fantasy » de cette histoire… pourtant issue de la Bible ! Paysages et bestiaire fantastique (comme les Veilleurs, des anges déchus changés en pierre), magie omniprésente, combat et batailles rangées… jusqu’au Déluge, c’est visuellement très fort.
-          Les paysages, comme la direction artistique, sont aussi originaux qu’évocateurs. La Terre que parcourt la famille de Noé est à l’agonie. Si ce monde nous émeut, c’est parce qu’en filmant cette désolation, Aronofsky semble non pas nous décrire des paysages terrestres immémoriaux mais ceux de notre futur, voire notre très proche futur… C’est d’une efficacité redoutable.
-          Quand « Noé » ressemble à un cauchemar, la réussite d’Aronofsky est indéniable. Lorsqu’il montre l’humanité – condamnée à périr lors du Déluge – dans ces efforts pour récupérer l’arche, le film est une succession de scènes infernales, terrifiantes. Au moment du Déluge, lorsque des trombes d’eau transforment chaque plan en enfer liquide, le spectacle, comme le malaise qu’il provoque, est total. La puissance de la mise en scène – les cadrages de la foule des hommes sous la tempête, alliée aux vociférations et à l’interprétation démesurée de Ray Winstone, le chef de cette foule – fait de cette séquence l’une des plus impressionnantes du cinéma d’Aronofsky. « Noé » contient ainsi nombres de tableaux saisissant, extraordinaires visions…
-          … qui ne justifient pas, cependant, que l’on se réjouisse de ce passage (isolé ?) d’Aronofsky au blockbuster. Le réalisateur a trouvé avec « Noé » l’opportunité inédite de déployer un sens visuel du spectacle à grande échelle qu’on ne lui soupçonnait pas forcément. Mais cette attention au spectaculaire se fait au détriment des scènes plus intimistes, et qui sont curieusement très basiques. Les personnages, comme leurs rapports, restent très schématiques, trop rapidement brossés : un comble pour le réalisateur de « The wrestler » et « Black swan » !
-          Je pense que l’intention du réalisateur était par la relative simplicité du comportement de ces quelques personnages, qui ressemblent à des archétypes, d’atteindre à une grandeur digne d’un opéra…
-          Ce mouvement de simplification ou plutôt d’essentialisation s’applique à toute l’intrigue de « Noé », qui m’a souvent fait penser à une bande dessinée dont il manquerait certaines cases – j’aurais aimé plus de développements ! Si le Noé du film est un pur personnage « aronofskyen », entêté jusqu’à la folie dans la mission qu’il s’est imposé, ambigu et torturé, l’interprétation brute et physique de Russel Crowe est loin d’être aussi forte que celles de Mickey Rourke et Natalie Portman dans les deux précédents films du réalisateur…
-          Comme je l’ai déjà dit, la vraie performance du film est celle de Ray Winstone, qui est monstrueuse.
-          « Noé » n’est donc pas aussi puissant qu’on aurait pu l’espérer, mais, malgré ses défauts, c’est un spectacle des plus impressionnants.

On retiendra…
De grandes visions spectaculaires, oniriques ou terrifiantes, toujours très évocatrices. La transformation inattendue d’un épisode de la Bible en épopée mythologique d’heroic fantasy.

On oubliera…
Pour donner une force classique à ce péplum, le scénario a été concentré et épuré jusqu’à l’essentiel, ce qui transforme les personnages en archétypes. Des passages kitschs.

« Noé » de Darren Aronofsky, avec Russel Crowe, Ray Winstone,...

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