jeudi 13 février 2014

Le fantastique français (La Belle et la Bête)


-          Sur le terrain du fantastique, le cinéma français, contrairement à celui hispanique ou américain, s’est toujours montré fort décevant…
-          A quelques exceptions près ! Fort rares, il est vrai. Parmi celles-ci, un chef-d’œuvre du cinéma : « La Belle et la Bête » de Jean Cocteau, qui date de 1946 mais qui n’a rien perdu de sa puissance et de son merveilleux, grâce à ses trucages artisanaux d’une poésie sublime et intemporelle.
-          68 ans plus tard, Christophe Gans ose livrer à son tour sa vision du conte – la neuvième dans l’histoire du cinéma, tout de même. Il ne cache pas son ambition de se détacher de la version tutélaire de Cocteau. Contrairement aux choix artistique qu’auraient pu faire Michel Gondry ou encore Guillermo del Toro…
-          Qui compte justement parmi ses projets d’adapter lui aussi le conte au cinéma !
-          … Christophe Gans a voulu susciter le merveilleux par les moyens numériques modernes – faisant fi, donc, de l’héritage « bricolo » de Cocteau… pour citer, à la place, Hayao Miyazaki !
-          Et c’est réussi ! Disons-le tout net : le plaisir procuré par le film est purement visuel. La direction artistique est sublime : des décors aux costumes, l’image est surchargée de détails aux couleurs chatoyantes où l’on s’amuse, à l’invitation de la caméra, à perdre son regard, émerveillé devant ce qui confine à un baroque féérique. Loin d’être figés, ces décors, lorsqu’ils ne se métamorphosent pas, vivent grâce aux multiples créatures qu’ils abritent, des servants mi-chiens mi-gnomes aux impressionnants colosses de pierre. Une telle ambition visuelle, un tel spectacle sont, dans le cinéma français, vraiment rares.
-          « La Belle et la Bête » est un véritable blockbuster à la française ! C’est ainsi le premier film européen à faire usage de la motion capture, qui a permis à Vincent Cassel d’interpréter la Bête. Le résultat est là-encore extraordinaire, avec une Bête très expressive, où l’on reconnait sans peine le visage de l’acteur.
-          Cependant, Vincent Cassel ne renoue pas avec l’émotion apportée par Jean Marais dans la version de Cocteau (et transmise par la seule force du regard !). Ce n’est ni la faute de l’acteur, ni celle des effets numériques, mais bien un problème de mise en scène : à force de nous faire visiter ses décors fabuleux (dans les deux sens du terme), Christophe Gans délaisse quelque peu le centre de l’histoire, à savoir l’amour contre-nature de la Bête et de la Belle. Gans a préféré développer plus longuement d’autres aspects du conte originel, voire en inventer de nouveaux, et en oublie de donner corps à la passion naissant entre les deux personnages du titre.
-          A ceci près que les plus belles scènes du film sont quand même celles réunissant Léa Seydoux et Vincent Cassel, comme cette magnifique poursuite nocturne sur un lac gelé ! Contre toute attente, le pari de Christophe Gans est un incontestable succès – même si l’on doute que sa version, parce que numérique, perdure dans les mémoires comme celle de Cocteau.
-          C’était presque inespéré, de la part du réalisateur du très mauvais « Pacte des loups » (2001) ! Espérons que cette réussite soit suivie d’autres, puisqu’en 33 ans de carrière, Christophe Gans n’a mené jusqu’à son terme que quatre projets de longs-métrages... et a dû en abandonner sept. Une raison supplémentaire pour célébrer ce film, qui, on le répète, détonne dans le paysage cinématographique français.

On retiendra…
Décors, costumes, effets spéciaux… Le film est un enchantement visuel, d’une ambition très rare dans le cinéma français. La musique.

On oubliera…
L’amour entre la Belle et la Bête manque singulièrement de passion. Les dialogues, parfois bancals. La chanson du générique.


« La Belle et la Bête » de Christophe Gans, avec Léa Seydoux, Vincent Cassel, André Dussolier,…

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