samedi 28 septembre 2013

Mauvais moment (Malavita)

Tout au long de sa carrière, Luc Besson n’a cessé de répéter qu’il abandonnerait la réalisation après son dixième film, de peur de commettre « le film de trop ». Ce dixième film était « Arthur et les Minimoys » (2006), qui est aussi l’un de ses meilleurs. Et puis il y a eu ses deux suites. Puis « Les aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec ». Puis « The Lady ». Et maintenant, « Malavita ».
Quelles raisons ont poussé Luc Besson à ne pas s’arrêter à dix films ? La réponse est si évidente qu’il vaut mieux plutôt se demander pourquoi le réalisateur a-t-il annoncé pendant si longtemps cette limite des dix films. Ce qui est sûr, c’est que sa crainte de faire « le film de trop » avec son onzième s’est révélée terriblement exacte… une fois, puis deux, puis trois. Son quinzième long-métrage, « Malavita », n’échappe pas à ce constat.


Cadre interchangeable
Adapté d’un roman de Tonino Benacquista, « Malavita » raconte l’installation d’un ancien parrain de la mafia new-yorkaise et de sa famille dans un village de Normandie. Il y avait déjà là un gros obstacle à l’adaptation du roman sur grand écran : la question de la langue. Produit pour le marché international, « Malavita » a été tourné en anglais. Luc Besson n’hésite donc pas à filmer une France imaginaire où tout le monde parle couramment anglais. Mais même dans une comédie, cela ne passe pas.
Le contraste entre le calme de la campagne normande et l’agitation de New York aurait sûrement pu être une grande ressource comique. Mais le cadre n’est absolument pas exploité, Luc Besson n’en fait rien du tout : la famille Blake aurait tout aussi bien pu s’installer dans la campagne américaine. Le réalisateur semble avoir filmé cette histoire sans aucune passion. On retrouve la manière de filmer de Besson, toujours articulée autour d’images ou de répliques censées être frappantes (notamment les transitions). Censées, car ici elles ne le sont pas du tout : on a l’impression qu’avec « Malavita », Luc Besson vient de réaliser son premier téléfilm.

Le piège De Niro
Le film repose en fait entièrement sur les épaules de Robert De Niro. On a souvent écrit que de bons effets spéciaux ne font pas un bon film. « Malavita » prouve que cet adage s’applique aussi aux acteurs : le film s’effondrerait complètement sans la résonance constante qu’il entretient avec le passé filmographique de l’acteur. C’est peut-être là que réside l’humour du film : que Luc Besson ose citer dans cette comédie bâclée, sans ambition et complètement commerciale des films comme « Le Parrain » ou « Les Affranchis ».
On espère que le réalisateur se réveillera sur le tournage de « Lucy », sa nouvelle production, annoncée comme très ambitieuse…

On retiendra…
Pour la quatrième fois, Luc Besson prouve qu’il avait raison lorsqu’il déclarait vouloir s’arrêter à dix réalisations pour ne pas faire « le film de trop ».

On oubliera…
Pas drôle, réalisation aussi inspirée que celle d’un automate, ridicule et pas du tout crédible, cette liste de clichés qu’est « Malavita » s’achève lorsqu’elle convoque le cinéma de Coppola ou de Scorsese.


« Malavita » de Luc Besson, avec Robert De Niro, Michelle Pfeiffer, Tommy Lee Jones,…

Le silence des barreaux (Prisoners)


-          Mais où étais-tu ? Je t’ai cherché partout !
-          Ben… Je t’attendais à la sortie de la salle de cinéma.
-          Quelle frayeur tu m’as fait !
-          Calme-toi ! Je vois que tu ne t’es pas encore remis du film…
-          Ça fait juste une heure que la séance s’est terminée, et tu espères que je m’en sois déjà remis ? Heureusement que je suis encore sous le coup de l’émotion ! J’espère que toi aussi, tu n’es pas ressorti indemne de « Prisoners » !
-          J’avais besoin de respirer un peu après tant de tension. Pour son premier film hollywoodien, le québécois Denis Villeneuve, réalisateur du remarquable « Incendies » en 2011, frappe très fort. Rares sont les films qui vous font tout oublier pendant que vous les regarder au cinéma, tant ils sont prenants. Malgré ses 2 heures et demie, « Prisoners » ne lâche jamais ses spectateurs. Ce thriller autour de la disparition de deux fillettes dans la banlieue de Boston brille sur tous les tableaux. Scénario, mise en scène, interprétation, musique, rien ne peut empêcher le spectateur de se faire absorber par l’intrigue.
-          Ceux qui doutaient encore de la crédibilité de Hugh Jackman dans un rôle autre que Wolverine, même après « Les Misérables », devront se rendre à l’évidence : c’est un très grand acteur.
-          Dis plutôt qu’il est excellemment bien dirigé, puisqu’il n’est pas moins impressionnant que Jake Gyllenhaal et Paul Dano, et tout le reste du casting en général ! Le scénario est très intelligent et la mise en scène maintient une tension ahurissante pendant chaque minute du film. Le moins qu’on puisse dire, c’est que Denis Villeneuve ne manque pas d’idées de mise en scène bouleversantes.  Si son précédent film, « Incendies », avait la force d’une tragédie grecque, « Prisoners » est lui d’ores et déjà une référence du thriller.
-          Et dire que le québécois avait tourné en même temps un autre film, « Enemy », qui devrait sortir début 2014 !
-          Et dire, surtout, que la sortie de « Prisoners » en France sera totalement éclipsée par celle de « La vie d’Adèle – chapitres 1 & 2 ». Normal, puisque ce dernier est encore meilleur.
-          Et c’est un euphémisme. Nous avons déjà donné la note maximale à « Prisoners » - et il le mérite. Je crois, la semaine prochaine, que nous allons devoir abuser du dictionnaire des superlatifs pour vous parler de « La vie d’Adèle »…

On retiendra…
Captivant, émotionnellement très fort, on n’en ressort pas indemne.

On oubliera…
« Prisoners » est une nouvelle référence dans le genre du thriller. Pour autant, il ne le réinvente pas.


« Prisoners » de Denis Villeneuve, avec Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Paul Dano,…

mardi 17 septembre 2013

Django enchainé (12 years a slave)

Un an après les extraordinaires « Django unchainded » de Quentin Tarantino, « Lincoln » de Steven Spielberg et « Zero dark thirty » de Kathryn Bigelow, le cinéma américain continue de revisiter l’histoire de son continent avec « 12 years a slave ». Le film est en effet adapté des mémoires de Solomon Northup, citoyen noir américain né libre au XIXème siècle mais capturé et vendu comme esclave pendant 12 ans en Louisiane. C’est le nouveau long-métrage de l’artiste-vidéaste Steve McQueen, désormais plus connu pour ses films : « Hunger » (Caméra d’or à Cannes en 2008) et « Shame » (2011).


-          Chaque année on s’y intéresse, on espère, voire on se met à rêver… et chaque année on est déçu. La cérémonie des Oscars est de plus en plus prévisible, académique et conservatrice…
-          De plus en plus ? Je dirai plutôt qu’elle l’est toujours autant. Pour 2014 les votants ne devraient pas bouleverser leurs habitudes, et on ne peut que redouter le sacre – déjà annoncé depuis qu’il a remporté le prix du public au festival de Toronto – de « 12 years a slave ».
-        Après « Shame », je ne m’attendais pas du tout à ce que Steve McQueen se lance dans l’académisme ! Grand sujet historique, mise en scène classique tendue vers l’efficacité, interprétations habitées et contenu à haute teneur lacrymal : l’ambition de McQueen pour les Oscars est évidente.
-          Et alors ? Ça n’empêche pas « 12 years a slave » d’être un très grand film. Steve McQueen s’est entièrement mis au service de Solomon Northup, l’homme libre redevenu esclave dont il veut raconter l’histoire, et qu’il inscrit d’emblée dans l’Histoire. Sur un sujet identique, la ségrégation, Steve McQueen adopte en effet une approche totalement opposée à celle de Quentin Tarantino. Là où ce dernier, pour dénoncer  l’horreur de l’esclavage, prenait sa revanche sur l’Histoire en la réécrivant, Steve McQueen s’y soumet complètement, et surtout, y soumet le spectateur.
-          Tu peux le dire ! Le cinéaste ne laisse en effet jamais ses spectateurs passifs devant ses films. Sa mise en scène s’identifie si fortement avec le personnage principal de ses longs-métrages qu’il fait, à chaque fois, partager aux spectateurs ses tourments. Jusqu’à, aussi, dépasser la limite du supportable.
-          Mais alors que cela virait au ridicule dans « Shame », ici l’ambition historique et la grandeur classique de la mise en scène empêche « 12 years a slave » de tomber dans cet écueil…
-          Pour mieux tomber dans un autre : celui de la performance à Oscars ! « 12 years a slave » est extrêmement dur. La violence des traitements infligés aux esclaves y est montrée frontalement. Pas de risque de déréalisation de la violence par son exagération comme chez Tarantino : l’injustice et l’horreur de l’esclavage y apparaissent comme rarement vu au cinéma.
-          Sauf que Tarantino est mille fois plus original et inventif que McQueen. Surtout, cette représentation sans filtre de la violence pose un problème de mise en scène propre à l’œuvre de McQueen : son cinéma n’apparait plus que comme un cinéma de l’humiliation. « Hunger », « Shame » et « 12 years a slave » aujourd’hui : on est en droit de se demander si la torture et l’humiliation ne sont pas les moteurs de ses longs-métrages – ce qui est moralement assez perturbant.
-          Il n’empêche : le film est d’une extraordinaire émotion, porté par un acteur exceptionnel, Chiwetel Ejiofor, et accompagné d’une superbe musique.
-          Mais Hans Zimmer l’a composée en recyclant sans s’en cacher l’un des thèmes de « Inception » de Christopher Nolan (2010) ! Ce qui produit un sentiment bien étrange lors de la projection… est-ce un rêve ou un cauchemar ?

On retiendra…
Emouvant et éprouvant grâce à la puissance des cadrages et l’interprétation de Chiwetel Ejiofor, « 12 years a slave » ressemble déjà un classique.

On oubliera…
Steve McQueen a trop souvent recours à l’humiliation, Hans Zimmer se recycle sans vergogne.

« 12 years a slave » de Steve McQueen, avec Chiwetel Ejiofor, Michael Fassbender, Benedict Cumberbatch,…

Bien qu’il ait remporté le prix du public au festival international du film de Toronto, je n’avais pas voté pour lui lors du festival (je lui avais préféré « La vied’Adèle – chapitres 1 et 2 », « Attila Marcel » et « Night moves »), pour les raisons expliquées plus haut. Le réalisateur et une large partie du casting s’était de nouveau déplacé à la deuxième projection du film au TIFF – s’il manquait par rapport à la première Brad Pitt, Benedict Cumberbatch et Paul Dano, Chiwetel Ejiofor et Michael Fassbender étaient là.


Steve McQueen
Chiwetel Ejiofor

Michael Fassbender

Alfre Woodard et Lupita Nyong'o

                Les questions du public ont porté essentiellement sur le travail des acteurs : par exemple, comment peut-on incarner un être aussi abject que le personnage joué par Michael Fassbender ? En essayant de le comprendre, sans le juger mais sans l’excuser non plus a répondu celui-ci. Fait rare, Steve McQueen a demandé à prolonger l’échange avec le public alors que le directeur artistique du TIFF, Cameron Bailey, avait annoncé sa fin.

Un aperçu de la (très grande) salle du Ryerson Theatre

vendredi 13 septembre 2013

Le crime farpait (L’amour est un crime parfait)

Adapté d’un roman de Philippe Djian, « Incidences » (2010), « L’amour est un crime parfait » est le huitième long-métrage des frères Larrieu. Et le quatrième dont le rôle principal a été confié à Mathieu Amalric. Filmé dans les Alpes suisses, il raconte comment un professeur de littérature à l’Université de Lausanne se retrouve suspecté d’avoir tué une de ses étudiantes, qui est aussi une de ses dernières conquêtes…


Cadre majestueux
La motivation profonde des frères Larrieu à faire du cinéma est de montrer la montagne à l’écran. On n’en doute pas un instant en admirant les magnifiques paysages enneigés qui sont le cadre de ce film noir. Ces montagnes, les frères Larrieu les filment beaucoup. Leur beauté et leur immensité est encore rehaussée par une très belle photographie qui accentue la blancheur des panoramas et renforce le contraste des images. Le but – réussi – étant de donner l’impression qu’une noirceur se cache derrière ces paysages immaculés.
« L’amour est un crime parfait » est en effet un film noir, ce que la loufoquerie douce des frères Larrieu ne tempère pas mais rend au contraire encore plus inquiétant. Ce qui n’empêche pas le film d’être aussi – et surtout – très drôle, grâce à ses acteurs : outre Mathieu Amalric, Denis Podalydès est hilarant dans le rôle du directeur du département littéraire de l’Université (l’Université de Lausanne, un étonnant bâtiment futuriste donnant des airs de science-fiction aux séquences qui s’y déroulent).

Faible polar
Images magnifiques, acteurs épatants, drôle, tordu : « L’amour est un crime parfait » aurait donc a priori tout pour plaire. Pourtant, le film semble curieusement passer à côté de son vrai sujet, la culpabilité. L’intrigue policière n’est en effet pas très bien traitée, et a semble-t-il moins intéressé les réalisateurs que leurs montagnes et leurs acteurs. L’ambigüité de l’histoire ne fera ainsi pas long feu - on se demande même si les réalisateurs ont vraiment essayé de ménager le coup de théâtre final, puisqu’on devine celui-ci bien à l’avance. Alors qu’ils ont réussi avec brio à incarner l’ambivalence dans leurs paysages, les réalisateurs échouent à en faire autant dans leur mise en scène. On voit beaucoup trop clair dans le jeu du personnage de Maïwenn, et si Mathieu Amalric est – comme d’habitude – parfait dans son rôle, le montage ne laisse guère de doute dans l’esprit des spectateurs.
Si « L’amour est un crime parfait » n’est pas entièrement abouti, il constitue néanmoins un très étonnant film policier, à la fois noir, saugrenu et alpin.

On retiendra…
Film noir au cadre et à l’image magnifiques, « L’amour est un crime parfait » excelle en tant que comédie tordue aux acteurs impeccables.

On oubliera…
Le film passe (volontairement ?) à côté de son sujet, une intrigue policière dont on devine les coups de théâtre à l’avance.

« L’amour est un crime parfait » d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu, avec Mathieu Amalric, Karin Viard, Maïwenn, Denis Podalydès, Sara Forestier,…

Le Princess of Wales Theater

Une énorme salle, avec deux balcons...



... ainsi que des loges
De gauche à droite : les réalisateurs et leur traducteur
La première mondiale du film au Festival international du film de Toronto d’est déroulée en présence des deux réalisateurs… et de leur traducteur. « L’Amérique a les frères Coen, la Belgique les frères Dardenne. La France a les frères Larrieu » : ainsi se sont présentés avec humour Arnaud et Jean-Marie Larrieu.




La rencontre avec le public qui a suivi la projection, où les réalisateurs déclarèrent que ce qui les intéressait au cinéma était de filmer la montagne et ses habitants, a été marquée par l’intervention d’une canadienne francophone. Dans la salle immense du Princess of Wales Theater (comportant deux balcons !) et alors qu’ils expliquaient avoir trouvé dans le roman de Philippe Djian, dont le film est adapté, une histoire policière à raconter dans un cadre alpin, celle-ci a interrompu les réalisateurs en criant : « Djian n’appartient pas à la littérature française ! ». Il fallait oser.

mercredi 11 septembre 2013

Le triplet de Chomet (Attila Marcel)

Après avoir réalisé deux des plus beaux films de l’histoire de l’animation, « Les triplettes de Belleville » (2003) et « L’illusioniste » (2010), Sylvain Chomet quitte l’animation pour son troisième long-métrage : « Attila Marcel ». Un pianiste muet nommé Paul et interprété par Guillaume Gouix est enfermé dans une vie routinière, régentée par ses deux tantes (formidables Hélène Vincent et Bernadette Lafont). Il décide de partir à la recherche de souvenirs de ses parents…


 Drôle et attachant
Si « Attila Marcel » est bien un film « live », il possède la fantaisie d’un film d’animation, notamment lors des scènes chantées. Cette fantaisie s’appuie et est soutenue par la musicalité du film : s’il ne contient que peu de passages chantés, « Attila Marcel » est monté selon un tempo vif et entraînant. Sylvain Chomet (qui cosigne aussi la musique) possède un sens du détail – sûrement issu, là encore, de l’animation – qui rappelle le meilleur du cinéma de Jean-Pierre Jeunet. Il livre avec ce long-métrage une comédie extrêmement drôle, où les spectateurs s’amusent autant des personnages que les acteurs semblent avoir pris du plaisir à les interpréter. Dans la fantaisie de Chomet, Bernadette Lafont, Hélène Vincent et Anne Le Ny s’éclatent, tandis que Guillaume Gouix épate – le rôle de Paul lui semblait destiné.
« Attila Marcel » brille par son inventivité permanente, son inspiration et ses nombreux clins-d’œil, du cinéma – évidemment – de Jacques Tati à Marcel Proust. Il est non seulement drôle mais aussi très touchant. Derrière la comédie se cache en effet de tristes secrets. Un grand moment de rire et d’émotion, intelligent et inventif : « Attila Marcel » est une merveille.

On retiendra…
La fantaisie et l’inventivité de la mise en scène, son humour. Les numéros offerts par Gouix, Lafont et Vincent.

On oubliera…
La réalisation minutieuse de Chomet n’a pas laissé un seul détail à marquer dans cette rubrique...

« Attila Marcel » de Sylvain Chomet, avec Gullaume Gouix, Anne Le Ny, Bernadette Lafont, Hélène Vincent,…

Au Festival International de Toronto (TIFF), le directeur artistique du TIFF, Cameron Bailey, est venu présenter le film – et excuser le réalisateur de ne pas s’être déplacé. Sylvain Chomet a vécu dix ans dans les années 1990 à Montréal, et d’après Bailey il avait suffisamment fait l’aller-retour Montréal-Toronto en train pour y faire un nouvel aller-retour en avion. C’est donc Anne Le Ny qui a fait le déplacement à Toronto pour accompagner la première mondiale du film.

Cameron Bailey, le directeur artistique du TIFF
Anne Le Ny

mardi 10 septembre 2013

Dracula VS Casanova (Histoire de ma mort)

Il aurait dominé la compétition cette année à Locarno, ce qui lui a permis de décrocher en toute logique le Léopard d’or. Quatrième réalisation du catalan Albert Serra, il raconte l’improbable rencontre entre Casanova et le vampire Dracula. Le film est intitulé malicieusement « Histoire de ma mort », en référence au chef-d’œuvre du vénitien.


Radical et obscur
                Derrière ce pitch des plus intrigants, se cache en fait un film très radical. Albert Serra présente lui-même son cinéma comme « contemplatif »… et l’on ne peut qu’abonder dans son sens. Les dialogues sont rares, de même que l’action. Lorsque les personnages s’expriment, c’est souvent pour s’empêtrer dans des conversations qui n’avancent pas et n’expriment finalement rien. Autant dire que l’intrigue est difficile à saisir – il faut un certain temps avant de comprendre qu’il y en a une. Les plans sont fixes, longs. L’image est très granuleuse, donnant dans le meilleur des cas une impression picturale, dans le pire celle d’un film fauché.
              Le Casanova de Serra ne cesse de s’esclaffer et de rire, en conséquence de chacune de ses actions. Une bien curieuse manière de transcrire au cinéma la distanciation du vénitien, qui lui permettait de tirer plaisir de tout et d’entretenir ce rapport si fécond avec la vérité lors de l’écriture de ses Mémoires. On est d’abord surpris et amusé par les éclats de rire du personnage, puis un peu mal à l’aise lorsque ceux-ci ne s’arrêtent pas et se répètent de scène en scène. Ils deviennent même effrayants lors de la deuxième partie, qui se déroule dans les Carpates, et où apparait Dracula.
                Là encore, le Dracula de Serra ne ressemble guère à celui de l’imaginaire populaire. Semblable physiquement à un empereur mongol, il est muet et se contente de boire le sang de ses victimes, lors de ses quelques apparitions. Son apparition dans le film est difficile à saisir – mais y a-t-il vraiment un sens à chercher derrière tout ça ?
C’est finalement l’obscurité-même du film – tant figurée que littérale – qui permet au spectateur de maintenir son attention pendant les deux heures et demie du long-métrage. Albert Serra a une manière unique de faire du cinéma. La bizarrerie de ce qu’il montre ne cesse d’interloquer. Tout peut arriver dans « Histoire de ma mort ». Mais la plupart du temps, il ne se passe rien.

On retiendra…
Le cinéma d’Albert Serra est à nul autre pareil.

On oubliera…
Mystérieux et opaque, et donc très exigeant, il est difficile de se laisser envoûter par le film.

« Histoire de ma mort » d’Albert Serra, avec Vicenç Altaió i Morral, Elyseu Huertas Cos, Lluis Serrat Masanellas,...

L'Art Gallery of Toronto, où se trouvait la salle de projection accueillant "Histoire de ma mort" au TIFF

Devant l'entrée donnant accès à la salle de projection
Lors de sa présentation précédant sa projection au Festival International du Film de Toronto, Albert Serra a prévenu le public du côté « contemplatif » de son cinéma. Il pense avoir réussi avec son quatrième long-métrage son meilleur film à ce jour. Après avoir ironisé sur les critiques décrivant « Histoire de ma mort » comme un film sur « la beauté du mal et le mal de la beauté », il a préféré présenter son film comme une œuvre sur « l’injustice de la beauté… et la beauté de l’injustice » - « Ce qui ne veut rien dire non plus » a-t-il conclu.

Le réalisateur Albert Serra
Après la projection, Albert Serra est revenu pour un échange avec le public qui n’avait pas quitté la salle. Le réalisateur n’a pas voulu ou su répondre aux interrogations des spectateurs avides d’explicitations, arguant que lors du tournage il ne cherchait pas à comprendre ce qu’il faisait mais à capter la performance réalisée par les acteurs. Il n’a qu’ensuite tenté de comprendre ce qu’il avait tourné au moment du montage.


Un spectateur lui a demandé des explications quant à la scène où l’on voit, dans une étable, un sac d’excréments se transformer en or. Albert Serra répondit que c’était – évidemment – une référence à l’alchimie, qui passionnait les contemporains de Casanova, et qu’au-delà de cette référence, la scène n’avait pas beaucoup de sens, sinon comme une métaphore de son travail de réalisateur et de monteur sur ce film : « transformer de la merde en or ».

lundi 9 septembre 2013

La splendeur d’Adèle (La vie d’Adèle - chapitres 1 et 2)

Historique. Le 26 mai 2013, à l’issue du festival de Cannes, le jury présidé par Steven Spielberg décerne non pas une mais trois Palmes d’or à Abdellatif Kechiche (réalisateur), Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux (actrices), pour le film « La vie d’Adèle – chapitres 1 et 2 ». Or, avant même que ne se conclût le festival, une polémique avait éclaté quant aux conditions de tournage très difficiles du film, où le réalisateur Abdellatif Kechiche se serait comporté comme un tyran pour accomplir sa vision, tant envers ses techniciens qu’envers ses acteurs. Très rapidement, cette adaptation de la bande dessinée « Le bleu est une couleur chaude » de Julie Maroh (2010) a cristallisé plusieurs débat, de celui sur la convention collective qu’essaye actuellement d’imposer le gouvernement français au milieu du cinéma, jusqu’au mariage pour tous. Une agitation qui, loin de retomber, ne cesse de s’aviver depuis la rentrée, au point que le réalisateur a même déclaré récemment (Télérama n°3324) que son œuvre avait été « salie » par ces polémiques.
Tout le bruit et les remous générés autour de « La vie d’Adèle », les questions extrêmement intéressantes soulevées par son tournage, ainsi que son statut de troisième Palme d’or française en vingt-six ans, lui confèrent une aura extraordinaire. Mais celle-ci n’est rien face à l’expérience-même de sa projection. D’une sensualité azurée et lumineuse, deux actrices filmées à leur incandescence nous montrent en 2013 qu’avant Adèle et Emma il n’y avait jamais eu d’histoire d’amour au cinéma.  


Réalisme lyrique
Grâce à une direction d’acteur fondée sur la durée, une mise en scène en gros plans infiniment charnelle, entièrement concentrée sur l’acteur et la vérité qu’il peut transmettre, Abdellatif Kechiche capte une succession d’instants de grâce – qui semblent impossibles à reproduire aussi complètement ailleurs qu’au cinéma. Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, en ne s’emparant pas d’un rôle, mais d’un être, sont d’un naturel si confondant qu’elles revivifient la notion d’interprétation en une poignée d’heures qui passent comme un soupir. On comprend aisément pourquoi, juste avant le festival de Cannes, le titre original de la bande dessinée a été abandonné : « La vie d’Adèle », c’est la vie d’Adèle. Son interprète, Adèle Exarchopoulos, réalise des miracles. On est là bien au-delà du jeu. Ce que recherchait à tout prix le réalisateur avec ces heures de tournage et ses prises interminables apparaît comme une évidence, de manière aussi frappante que lumineuse : les personnages du film ne jouent plus, ils sont.
On juge toujours un acteur pour son interprétation. Au-delà du personnage qu’il incarne, on reconnait toujours l’acteur ; on considère, on compare son jeu par rapport à ses rôles précédents. Ici, il n’en est plus question : lorsque Léa Seydoux apparait à l’écran avec ses cheveux bleus, elle est Emma. On oublie que c’est Léa Seydoux, qu’on l’a déjà vue dans d’autres films, qu’elle a déjà eu de grands rôles (pour ne citer qu’elle, puisque la question se pose moins avec les autres acteurs du film, plus confidentiels auparavant). On n’apprécie plus la « performance » d’un acteur, comme lorsque l’on regarde, bluffé, les transformations physiques, vocales et gestuelles de Daniel Day-Lewis dans « Lincoln ». On est alors admiratif car on mesure ces transformations. Cela est impossible dans « La vie d’Adèle » : on ne peut pas, car les acteurs ne jouent plus, ils sont. Cette justesse de jeu émerveille.
Il n’y a aujourd’hui que le cinéma français qui soit capable de cela, et le dernier exemple en date était « Entre les murs » de Laurent Cantet (Palme d’or 2008). Mais « La vie d’Adèle » va plus loin, encore plus loin. Cantet brouillait les frontières entre documentaire et fiction : la force de sa mise en scène était que, par sa justesse, on se demandait si l’on voyait un film ou un documentaire. Le film de Kechiche transcende ses limites et ces interrogations pour atteindre... la réalité.
Comment cela se traduit-il concrètement ? On oublie que l’on regarde un film. Et qu’il dure trois heures. Le film avance, une succession de scènes miraculeuses de justesse, qu’il serait vain d’énumérer. C’est très drôle, extraordinairement émouvant, et d’une beauté absolue. Les couleurs ont une chaleur inouïe, notamment – pour ne citer qu’une scène – lors des rencontres dans le parc entre Adèle et Emma. Kechiche atteint cet état en filmant au plus près des corps et des visages, dans des prises longues, fluides, qu’on pourrait rapprocher de celles de Terrence Malick. C’est passionnant et passionné. C’est déchirant et bouleversant. Le parcours d’Adèle porte une évidence qui résonne en nous et avec notre époque.
Pour résumer sa magie en une expression, « La vie d’Adèle » n’est pas un film qui se voit, mais qui se vit. Vivez-le.

On retiendra…
Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux, Abdellatif Kechiche.

On oubliera…
Vous ne pourrez rien oublier.


« La vie d’Adèle » de Abdelatif Kechiche, avec Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux,…

Une version condensée de la critique a été publiée sur Télérama.fr dans le cadre du festival cinéma Télérama 2014 à cette adresse. Merci à la rédaction de Télérama de m'avoir publié.

Le Winter Garden Theater, à Toronto
Au festival international du film de Toronto (TIFF), Abdellatif Kechiche, Adèle Exarchopoulos, Léa Seydoux et Jérémie Laheurte avaient accompagné le film. Avant la projection, Abdellatif Kechiche est venu dire quelques mots (qu’un traducteur répétait ensuite en anglais) – qu’il était surtout impressionné par la beauté de la salle de projection, le Winter Garden Theater. Puis chacun des trois acteurs présents en a fait de même, et la projection a commencé.

Présentation du film

Abdellatif Kechiche et son traducteur

Léa Seydoux, Adèle Exarchopoulos et Jérémie Laheurte
La plus belle salle de cinéma



Trois heures plus tard, après un générique des plus simples (www.laviedadele.com), le réalisateur et les acteurs sont revenus sur scène pour un échange avec le public – appelé « Q&A » (question and answer), comme il est de tradition à Toronto. Le moment était très intéressant, après les récentes déclarations dans la presse qui laissaient penser que les relations entre les actrices et le réalisateur étaient on ne peut plus tendues – les actrices ayant déclarées que le tournage avait été trop éprouvant pour qu’elles veuillent encore travailler avec Kechiche. Mais personne dans le public n’a osé soulever le sujet, et l’équipe a affiché un front uni.
La manière très posée dont Abdellatif Kechiche s’exprime, choisissant avec soin ses mots, ne permet pas d’imaginer qu’il soit capable de crises de colère ni d’un comportement tyrannique. Le réalisateur a même répondu affirmativement à la question « Y aura-t-il une suite ? » – à la condition toutefois qu’il soit aussi « inconscient » que lorsqu’il a préparé les deux premiers chapitres de « La vie d’Adèle ». Or une suite supposerait forcément le retour d’Adèle Exarchopoulos et de Léa Seydoux…







Adèle Exarchopoulos a expliqué s’être abandonnée complètement au rôle jusqu’à ce qu’elle atteigne un état où elle ne jouait plus. Le dernier spectateur à poser une question voulait savoir si le film défendait la cause du mariage pour tous. C’est Adèle Exarchopoulos qui a répondu, pour dire que le film racontait une histoire d'amour tout court, visant à l'universalité – mais que la force d'une oeuvre était de pouvoir servir à défendre des causes.

Les Oscars, ça commence déjà (Le majordome)


-          Depuis sa sortie à la mi-août, « Le majordome » de Lee Daniels remporte un très grand succès en Amérique du Nord, le plaçant dès à présent comme l’un des favoris de la prochaine saison des Oscars.
-          Je doute que le film remporte le même succès en Europe… J’avais pourtant beaucoup aimé les expérimentations visuelles du dernier film de Lee Daniels, « Paperboy », sélectionné à Cannes l’année dernière. Mais ici, le réalisateur américain s’est enfoncé dans un académisme des plus ennuyeux.
-          Ennuyeux, en effet. « Le majordome » est le titre bien nommé de ce biopic d’un majordome noir ayant servi à la Maison-Blanche, de Eisenhower à Reagan. Un point de vue inédit sur 30 ans de présidence américaine et de lutte pour les Droits Civils…
-          … enfin ça, c’était le pitch du film. En réalité, « Le majordome » ressemble plutôt à un résumé assommant de la lutte pour les Droits Civils. Le majordome étant une figure de l’ombre sans véritable pouvoir sur les décisions politiques prises à la Maison-Blanche, le scénario file un autre fil narratif en parallèle de son histoire : la lutte menée par son fils pour les Droits Civils. Le film alterne donc entre, d’un côté, la valse présidentielle à la Maison-Blanche - soit une galerie de portraits où tout un tas de stars viennent faire leur petite apparition (de Robin Williams à Lenny Kravitz) -, et de l’autre une leçon d’histoire, convenue, sur la lutte pour les Droits Civils filmée sans imagination.
-          Performances forcément « exceptionnelles », grand sujet « historique » propre à émouvoir les foules, réalisation sans prise de risques : « Le majordome » est tellement taillé pour la course aux Oscars qu’il en devient inintéressant.
-          Sur le même sujet, (re)voyez plutôt « Django unchained » ou attendez la sortie de « 12 years a slave » de Steve McQueen. Je suis encore loin d’avoir vu tous les films prétendant aux Oscars, mais l’acteur principal du film de McQueen, Chiwetel Ejiofor, me semble beaucoup, beaucoup plus proche de l’Oscar du meilleur acteur que Forest Whitaker.

On retiendra…
Forest Whitaker est parfois assez impressionnant.

On oubliera…
Sans véritable enjeu, sinon une leçon d’histoire académique, le film échoue à donner un intérêt cinématographique à ce majordome de la Maison-Blanche.

« Le majordome » de Lee Daniels, avec Forest Whitaker, Oprah Winfrey,…
Mercredi aux cinémas Gaumont Wilson, Labège et UGC.


Par Miltiade

mercredi 4 septembre 2013

Minuit à Frisco (Blue Jasmine)

Pour son film annuel, le new yorkais Woody Allen est allé tourner à San Francisco. Si son séjour à Rome l’an dernier ne lui avait pas du tout réussi, il semble avoir retrouvé l’inspiration sur la côte Ouest américaine. Ce quarante-quatrième (!) long-métrage de Woody Allen impressionne : lorsqu’il a trouvé un bon sujet, Allen est formidable.


Comédie dramatique
« Blue Jasmine » est une pure comédie dramatique : on y rit autant qu’on y pleure. Cate Blanchett y interprète une new-yorkaise ruinée décidée à recommencer sa vie à San Francisco. Le film avance selon deux lignes temporelles différentes : ses débuts dans la société à san franciscaine se mêlent à des souvenirs de sa vie de riche citadine à Manhattan. Cette structure ne se comprendra que peu à peu, et gagnera petit à petit en sens. Au fur à et à mesure que le procédé perd en artificialité, le film glisse de la comédie au drame. Passant du rire aux larmes, drôle, tendre et cruel, « Blue Jasmine » est un nouveau chef-d’œuvre de Woody Allen. Un de plus. Une telle régularité, une telle constance sont uniques dans l’histoire du cinéma. En regardant son quarante-quatrième film et après le désastreux « To Rome with love », on a envie d’y résister, de se dire que le new-yorkais à lunettes s’est épuisé. Et pourtant, dès la conclusion hilarante du dialogue de la première scène, on est emporté.
Que reste-t-il à dire, si ce n’est que le casting est (évidemment) excellent. Cate Blanchett trouve avec Jasmine French l’un de ses rôles les plus importants, Sally Hawkins et Alec Baldwin sont parfaits, et les seconds rôles particulièrement savoureux.
Espérons que Woody Allen ne se repose pas et continue sur la même lancée pour son prochain film, tourné sur la Côte d’Azur.

On retiendra…
Avec sa construction narrative intelligente et la virtuosité de ses dialogues, « Blue Jasmine » est peut-être le meilleur film de Woody Allen depuis « Match Point » (2005). La performance forcément extraordinaire de Cate Blanchett.

On oubliera…
Après quarante-quatre films, Woody Allen ne commet plus d’erreurs lorsqu’il sait tenir un bon sujet.

« Blue Jasmine » de Woody Allen, avec Cate Blanchett, Sally Hawkins, Alec Baldwin,…

dimanche 1 septembre 2013

Rapport européen minoritaire (Europa report)

Tourné en deux semaines à New York avec un budget ridicule pour un film de science-fiction, « Europa report » est un bien curieux long-métrage. Il raconte la première expédition lancée par l’homme sur la planète Europe, un des satellites de Jupiter, célèbre pour être recouvert par un océan – la vie pourrait s’y cacher…
Ce long-métrage de l’équatorien Sebastián Cordero se présente comme un film de science-fiction et d’horreur  tourné en found footage (le procédé inventé par « Le projet Blair Witch »). On y suit donc la première mission spatiale lancée sur Europe, via les caméras disposés dans le vaisseau et celles dont sont équipées les combinaisons spatiales, lors des sorties des cosmonautes. Comme le titre l’indique, le film est en fait le rapport vidéo de l’expédition.


Found footage
En réalité, le film n’est pas vraiment terrifiant, à cause d’un scénario qui se devine assez aisément – ou plutôt, qui n’essaye pas vraiment d’être original. Tout le travail a été porté sur la mise en scène « found footage ». C’est par là que le film fascine : ce reportage vidéo s’applique très bien à l’histoire racontée, et donne des résultats admirables lors des séquences en apesanteur. Le réalisme apporté par l’aspect documentaire, s’il ne suffit pas à faire naître la peur, rend cependant très bien compte de l’isolement de l’équipage. La fixité des plans, et l’étroitesse du répertoire de plans disponibles pour mettre en scène cette histoire accentue la longueur du voyage et fait bien ressentir l’emprisonnement souffert par les membres de l’expédition.
Toutefois, si le procédé est remarquablement bien utilisé (et comporte quelques surprises, notamment à la fin), il l’est aussi abusivement parfois, comme lors des moments de tension. La mise en scène du chaos renvoie alors le procédé dans ses retranchements : l’image saute, se brouille, est coupée. Ça fonctionne une fois, mais finit par lasser aux catastrophes suivantes. Il n’empêche : les moments de crise sont souvent très chargés en émotion.

Visuellement numérique
Le tout petit budget du film se remarque immédiatement lors des scènes à l’extérieur du vaisseau, qui n’arrive que rarement à faire oublier leur virtualité. La faiblesse des effets spéciaux va à l’encontre du procédé documentaire du film. Sauf que, bizarrement, l’accentuation de l’artificialité du hors-vaisseau ne dessert pas toujours le long-métrage : les personnages n’en semblent que plus enfermés et perdus dans un monde étranger. Cette plongée dans le virtuel gagne même un aspect allégorique.
Toutefois, l’aspect reportage jusqu’au-boutiste empêche « Europa report » de s’élever au-dessus de sa nature de film de genre – c’est un peu dommage, car le film avait l’ambition, et les moyens, d’y parvenir.

On retiendra…
Un procédé original, utilisé la plupart du temps avec brio.

On oubliera…
Le scénario assez banal, les effets spéciaux sentent le numérique.

« Europa report » de Sebastián Cordero, avec Christian Camargo, Embeth Davidtz, Michael Nyqvist, Sharlto Copley,…