vendredi 22 novembre 2013

Affiche (Cartel)


-          Whaouh ! Tu as vu ce cartel, dans la rue ? Le film a l’air géant !
-          Tu parles de « Cartel » ? Où Michael Fassbender, Pénélope Cruz, Cameron Diaz, Javier Bardem et Brad Pitt se partagent le haut de l’affiche ?
-          Ouais ! Et puis il y a Ridley Scott derrière la caméra, et Cormac McCarthy au scénario. L’auteur de « La route » qui se lance lui-même au cinéma, après que ses romans « No country for old men » et « La route » aient été adaptés sur grand écran, ça me semble très prometteur !
-          Tu verras, cette avalanche de grands noms ne s’arrête pas là, puisque les seconds rôles aussi sont des stars (de Bruno Ganz à Edgar Ramirez). Mais te rappelles-tu de « Astérix aux Jeux Olympiques » ?
-          Euh… Malheureusement, oui. Une comédie aussi nulle ne s’oublie pas.
-          Ah ! Toi, tu l’as vu. C’est manifestement le film qui manquait à la culture cinématographique des producteurs de « Cartel ». Le trop-plein de stars avait tué le scénario des troisièmes aventures d’Astérix au cinéma. Il en est de même dans « Cartel » : à partir d’un scénario pas mauvais a priori, Ridley Scott a essayé de construire un drame sur la nature humaine et le mal.
-          Ça ne me semble pas si mal, comme projet.
-          Sauf qu’on n’y croit pas une seconde. A cause des acteurs. Le reste s’effondre dans leur sillage. Fassbender, Cruz, Diaz, Bardem, Pitt… aucun n’est convaincant. Aucun ne s’est vraiment emparé de son personnage. Ridley Scott les a-t-il vraiment choisis, ou ont-ils été imposés par les producteurs ? Pas vraiment dirigé, chacun des acteurs stars se caricature lui-même. Pitt avec ses tics, Fassbender avec sa vulnérabilité, Cruz son hispanité… C’est parfois affligeant. Celui qui s’en tire le mieux est Javier Bardem. Peut-être parce que ses rôles sont éclectiques et qu’il ne peut être vraiment réduit à un type de personnage… Peut-être aussi pour sa coupe de cheveux en pétard, qui apporte enfin un second degré à l’absence si criante par ailleurs.
-          D’accord… C’est une grande désillusion, alors ?
-          Hélas. Tous les avantages du film sur le papier se révèlent en fait… ses plus gros défauts. Ridley Scott applique de nouveau sa mise en scène clinique, magnifique lorsqu’elle s’exprime dans l’horreur spatiale de « Prometheus », mais qui ressemble ici à du désintérêt. Cormac McCarthy avait imaginé une bonne histoire : sans être renversante, elle réservait quelques grands moments de terreur dans une intrigue mafieuse classique (dans le sens positif du terme). Mais ses dialogues auraient mérité quelques corrections : trop écrits, trop artificiels, trop percutants et provocants. Là encore, on se demande si l’aura de l’écrivain star n’aurait pas découragé toute tentative de révision…
-          Hum… En tout cas, moi, tu m’as découragé.
-          Le mieux, comme d’habitude, est toujours d’aller voir par soi-même… ou d’aller voir autre chose.

On retiendra…
L’efficacité de la mise en scène, toujours aussi froide, de Ridley Scott, qui font basculer certains passages dans l’horreur. La tronche de Javier Bardem.

On oubliera…
Le trop-plein de grands noms dans un seul film a semble-t-il gêné le travail de chacun. Toutes les qualités attendues de « Cartel » sont en fait ses plus grands défauts.

« Cartel » de Ridley Scott, avec Michael Fassbender, Cameron Diaz, Javier Bardem,…

samedi 16 novembre 2013

Trahir pour mieux adapter (Snowpiercer, le Transperceneige et La stratégie Ender)


-          On s’était bien amusé à taper sur « Thor,le monde des ténèbres » et « Mes séances de lutte » la semaine dernière…
-          C’est toujours plus drôle d’écrire les critiques que de voir les films. Mais on ne peut pas poursuive dans cette veine : il est beaucoup trop facile de descendre un film que de le louer.
-          Malheureusement… Mais on peut reprendre l’idée de la critique en diptyque : « Snowpiercer, le Transperceneige » et « La stratégie Ender » sont tous deux des adaptations d’œuvres littéraires.

L’adaptation trop fidèle : La stratégie Ender
Il y a des films qui sortent au mauvais moment… A sa parution en 1985, « La stratégie Ender » faisait l’événement : avec une écriture limpide amenant à une identification immédiate, une imagination et des rebondissements remarquables, Orson Scott Card racontait l’entraînement d’un enfant au commandement d’une flotte spatiale. Le livre est depuis devenu un classique de la science-fiction. Son adaptation arrive au plus mauvais moment : avant même sa sortie, elle était déjà anachronique.
En projet depuis des années mais finalement réalisé pour répondre au succès de « Hunger games », « Ender’s game » (en VO) débarque aussi au cinéma après « Gravity ». Or, la majeure partie de l’intrigue concerne l’apprentissage du combat en absence de gravité… Après le choc de « Gravity », l’apesanteur de « La stratégie Ender » semble donc bien… pesante. Peu inspiré, Gavin Hood adapte presque littéralement le roman sur grand écran, en compressant l’intrigue et en lui ôtant ses passages les plus complexes – ceux qui, justement, représentaient un défi de mise en scène. L’histoire d’Ender perd donc beaucoup de sa force, et se banalise. Le film reste quand même efficace : rien ne démérite vraiment, mais rien ne se démarque non plus. Pas mal, mais dispensable.

L’adaptation transcendée : Snowpiercer, le Transperceneige
Après « The host » (2006), le coréen Bong Joon-Ho revient à la science-fiction par l’adaptation d’une bande-dessinée française de Lob et Rochette, « Le Transperceneige », parue en 1982… et un peu oubliée depuis. Et pour cause : si la métaphore de départ est très forte (après une catastrophe climatique, ce qui reste de l’humanité s’est réfugiée dans un train), l’intrigue de la bande-dessinée est bien moins mémorable. Bong Joon-Ho n’a donc gardé de la BD que son idée de départ, et déploie dans le Transperceneige sa propre histoire. Faisant du même coup bien mieux que l’œuvre originale.
Contrairement, par exemple, à Andrew Niccol dans « Time out » ou Neill Blomkamp dans « Elysium », Bong Joon-Ho dépasse l’évidence de la métaphore initiale de ce train où les wagons reproduisent la ségrégation sociale de la société d’avant l’apocalypse par une mise en scène extraordinaire. Mélangeant comme jamais le drame et l’humour, le grotesque et le sérieux, la violence et le rire, Bong Joon-Ho livre une œuvre époustouflante,  qui éblouit par son inventivité et son scénario aussi retors qu’intelligent. Une réussite totale, servie par des acteurs sidérants, à commencer par Chris Evans, méconnaissable en leader rebelle. D’ores et déjà un classique de la science-fiction au cinéma.

On retiendra…
Pour améliorer le matériau de départ, il faut le trahir et le faire sien. Bong Joon-Ho se fait plus inventif que jamais.

On oubliera…
 « La stratégie Ender » va trop vite pour se ménager des rebondissements forts et une part de mystère.

« La stratégie Ender » de Gavin Hood, avec Asa Butterfield, Harrison Ford, Hailee Steinfeld,…

 « Snowpiercer, le Transperceneige » de Bong Joon-Ho, avec Chris Evans, Song Kang-Ho, Tilda Swinton,…

lundi 11 novembre 2013

Autopsie de deux échecs (Mes séances de lutte et Thor, le monde des ténèbres)

-          Alors, ce week-end de trois jours ? ça s’est bien passé ?
-          Ne m’en parle pas. J’ai souffert. Beaucoup souffert. Le doublet a été magnifique.
-          Le doublet ? Tu veux parler des deux films que nous sommes allés voir au cinéma ?
-          Oui, bien sûr ! C’était à désespérer !
-          Avec eux, nous avons pu balayer tout le spectre du cinéma raté… du film d’auteur au blockbuster.


Le film d’auteur raté : « Mes séances de lutte »
Le 27ème film de Jacques Doillon est une caricature du cinéma d’auteur français. Grands personnages : « Lui » et « Elle ». Grand sujet : Lui et Elle s’aiment, mais ne s’en sont pas encore rendu compte (au contraire des spectateurs). Ils vont découvrir leur amour et se libérer de leur traumatisme (dont un deuil pour Elle) en « se cognant, se débattant, s’empoignant » (d’après le synopsis)… « tout en se rapprochant ».
Ce synopsis laissait déjà bouche bée. Le film est du même calibre. Sara Forestier et James Thierrée (chorégraphe, caution artistique du long-métrage) se débattent effectivement avec leurs dialogues sans aucun sens. Tentons une hypothèse : l’idée de les faire lutter ensemble est peut-être venue d’eux. Excédés par la nullité de leur texte, Forestier ou Thierrée s’est mis à décharger sa colère sur son partenaire de jeu. Doillon a trouvé ça génial et a décidé d’en faire le sujet de son film. Avec sa photographie moche, son montage approximatif et l’amateurisme de ses seconds rôles, Jacques Doillon n’a pas signé un grand exercice de style, mais l’exemple-même du film d’auteur autiste qui ne plait (on l’espère) qu’à son réalisateur. A fuir.

Le blockbuster raté : « Thor, le monde des ténèbres »
Un navet n’a jamais coûté aussi cher (170 millions de dollars). « Thor, le monde des ténèbres » est un abrutissement commercial. Comment peut-on mettre autant d’argent dans un scénario aussi bâclé ? Tout est risible dans « Thor », à commencer par son esthétique. Mélange forcé entre « Le seigneur des anneaux » et « Star Wars », l’univers de « Thor » est un monument du kitsch. L’histoire, très mal construite et plein d’incohérences, s’enfonce de plus très souvent dans des explications scientifiques à hurler de rire (l’adjectif « quantique » servant à expliquer à peu près tout et n’importe quoi). C’est là le seul comique, malheureusement involontaire, du film. Si on peut encore parler de film : « Thor 2 » est plutôt un produit commercial visant à perpétuer et à rentabiliser la licence Marvel (le pire étant qu’il ne cache même pas cette nature). L’exemple-même du blockbuster idiot.

On retiendra…
Une pensée émue pour les acteurs pris au piège dans ces deux films.

On oubliera…
« Mes séances de lutte » et « Thor, le monde des ténèbres » sont ce qui se fait de mieux en navets cinématographiques.

« Mes séances de lutte » de Jacques Doillon, avec Sara Forestier, James Thierrée,...
« Thor, le monde des ténèbres » d’Alan Taylor, avec Chris Hemsworth, Natalie Portman,…