dimanche 28 juillet 2013

Vacances japonaises (Wolverine, le combat de l'immortel)

L’été des blockbusters se poursuit, et est déjà bientôt fini de l’autre côté de l’Atlantique. Depuis la sortie de « Spider-Man » de Sam Raimi en 2002, les super-héros ont envahi les écrans, et leurs histoires sont transposées en films qui sortent à la queue-leu-leu été après été. Chaque studio possédant sa franchise, qu’il s’agit de perpétuer en interconnectant (plus ou moins) la nouvelle sortie estivale avec les précédentes et, surtout, les suivantes. Il était déjà difficile auparavant de s’enthousiasmer pour un filmde ce genre – ça devient de plus en plus compliqué alors que ses films se transforment en épisodes de série télé. Pour les comprendre, mieux vaut ne pas avoir raté les précédents. Et, pire encore, il ne faut pas s’attendre non plus à une fin : une suite est toujours au rendez-vous. C’est donc le cas de « Wolverine, le combat de l’immortel », réalisé par James Mangold, second spin-off de la saga « X-Me »n, et qui constitue en fait une au dernier volet de la trilogie.


De la tragédie au banal divertissement
Annoncé depuis mai 2009, le film devait au départ être réalisé par Darren Aronofsky, qui a fini par abandonner le projet. Quand on sait que ce long-métrage a aussi été proposé à Bryan Singer et Guillermo del Toro, le choix final de James Mangold (« Night and day ») à la réalisation ressemble à une erreur de casting. Wolverine - indissociable de son interprète Hugh Jackman - est, de loin, le plus fascinant des personnages « X-Men » portés à l’écran. Torturé par la solitude, il ressemble à s’y méprendre à un personnage d’un film de Darren Aronofsky… sa version du super-héros restera un rêve inachevé.
Porté à l’écran par James Mangold, ses aventures japonaises ne vont pas plus loin que le simple divertissement : ni vraiment mauvais, ni vraiment bon. Le réalisateur a produit un film conforme au cahier des charges : les scènes d’actions alternent avec des passages plus comiques et d’autres plus intimistes où la douleur portée par le personnage est censé émouvoir le spectateur.
Or, James Mangold ne réussit pas vraiment à faire de Wolverine une figure tragique. Le dilemme proposé au personnage au début du film, devenir mortel ou rester immortel, semble sur le papier passionnant mais est à peine exploité par le scénario. Le film passe presque à côté de ce puissant ressort dramatique. Presque, car le personnage est hanté par le spectre de sa femme, qui l’incite à la rejoindre « de l’autre côté » lorsqu’il la rencontre dans des scènes oniriques… frisant le ridicule. Toutefois, certains tableaux atteignent à la grandeur épique recherchée : c’est le cas de l’impressionnante introduction et d’une course-poursuite dans la neige où Hugh Jackman réinvente le martyre de Saint Sébastien.
Le réalisateur ne réussit pas non plus à faire des scènes d’action renversantes ou originales, excepté un combat extrêmement ludique sur le toit du Shinkansen – peut-être bien la meilleure scène du film. Le grand finale est gâché par une subite laideur de la direction artistique, qui s’exprime dans les costumes des deux grands méchants du film. Les scènes humoristiques font rire, mais ne durent jamais longtemps : le film vise en effet au premier degré.

Des airs de James Bond
Reste une musique parfois surprenante de Marco Beltrami, et le plaisir de voir jouer Hugh Jackman son rôle phare comme s’il était un nouveau James Bond. Une influence pas si absurde de laquelle le film ne cessera de se rapprocher jusqu’à la fin.
James Mangold ne s’empare donc pas de la figure de Wolverine avec le talent que méritait un tel personnage, mais ne rate pas complètement son long-métrage, qui se contente d’être un agréable divertissement.

On retiendra…
Wolverine visite le Japon tel un nouveau James Bond.

On oubliera…
Un dilemme moral très mal exploité, qui échoue donc à élever le film au-delà du simple divertissement.


« Wolverine : le combat de l’immortel » de James Mangold, avec Hugh Jackman, Tao Okamoto, Rila Fukushima,…

mardi 16 juillet 2013

Les rimes du Pacifiques (Pacific rim)

Guillermo del Toro est enfin de retour ! Depuis la sortie en 2009 de « Hellboy 2, les légions d’or maudite », son meilleur film à ce jour, le réalisateur mexicain a échoué à réaliser deux de ses projets : « Le hobbit » et « Les montagnes hallucinées ». C’est l’un des cinéastes ayant le plus de projets de films à son calendrier (ou plutôt, qui a le plus communiqué autour de ses projets) et pourtant… c’est avec un film que l’on n’attendait pas qu’il trouve enfin le chemin du retour aux salles de cinéma : « Pacific rim ».


La fusion Honda/Harryhausen
Avec les deux « Hellboy » et « Le labyrinthe de Pan », Guillermo del Toro a prouvé qu’il était le meilleur créateur contemporain d’effets spéciaux non numériques. Privilégiant l’animatronique à la motion capture, les décors artificiels aux fonds verts, del Toro a livré des films d’une incroyable émotion visuelle. Le travail réalisé pour donner vie aux créatures peuplant ces films en fait le digne héritier de Ray Harryhausen, le maitre des monstres animés en stop motion.
« Pacific rim » présente lui aussi un bestiaire incroyable, d’une tout autre échelle cependant que ses précédentes réalisations, puisque le film narre les combats opposant des monstres géants (« kaiju ») à des robots titanesques (« jaegers »). « Pacific rim » est en fait le premier « vrai » blockbuster de del Toro, au regard du budget se chiffrant en centaines de millions de dollars qui lui a été alloué, et du gigantesque spectacle que livre le réalisateur à travers de multiples scènes d’action. Ces combats de géants ravageant des cités entières évoquent évidemment « Godzilla » : le film est logiquement dédié à Ichiro Honda (réalisateur du premier film consacré au monstre en 1954), ainsi que (tout aussi logiquement) à Ray Harryhausen.

Mécanumérique
La production d’un blockbuster aussi bizarre que « Pacific rim » en ces temps de standardisation hollywoodienne relève à elle seule du prodige. « Pacific rim » ressemble à la réalisation du rêve d'un admirateur lucide des films « kaiju », ce genre présentant des combats entre monstres colossaux très prisé par le cinéma japonais de série B (au mieux) et auquel Hollywood ne s’est jamais vraiment intéressé jusqu’à très récemment. del Toro a en effet eu les moyens et le talent pour rendre ces luttes crédibles et épiques : son film se situe loin, très loin du ridicule associé au genre.
Ces moyens sont, entre autres, le recours intensif aux effets spéciaux numériques, qui, s’ils ôtent le charme des maquettes, se révèlent être la seule solution pour parvenir à une vraisemblance et une crédibilité essentielles à la naissance de l’émotion. Les robots de guerre bâtis par les hommes pour se protéger des monstres sont pilotés par deux soldats, engoncés dans une machinerie logée dans la tête du robot. La machine de guerre anthropomorphe reproduit les mouvements des soldats, qui se meuvent de manière synchrones grâce à un lien neural - une excellente idée du scénario est en effet que chaque soldat pilote un hémisphère cérébral de l’entité mécanique. Ce lien neural fait beaucoup penser à « Avatar ». Mais del Toro dévie la métaphore du monde virtuel du film de James Cameron vers une célébration de la mécanique. Avec les pilotes des Jaegers faisant corps avec les rouages de leur machines, del Toro rappelle l’héritage mécanique des effets spéciaux.
On s’amuse donc beaucoup devant « Pacific rim ». Guillermo del Toro donne toujours l’impression de s’être autant divertique le spectateur à faire son film. Au plaisir communicatif des impressionnants combats de titans orchestrés d’une main de maître s’ajoute l’humour du réalisateur mexicain. On ne peut manquer de citer l’apparition inattendue et épatante de Ron Perlman, assurément le grand moment de dérision du film.
La musique de Ramin Djawadi, bâtie autour d’un thème unique, est excellente et contribue à rendre les combats épiques.

Convention
Toutefois, malgré tous ses atouts, « Pacific rim » laisse un goût d’inachevé à la fin de la projection. L’œuvre aurait pu prétendre à beaucoup plus d’émotion. Mais le scénario à la trame générale trop conventionnelle, l’exploitation trop convenue de la superbe idée de départ (la fusion neurale des deux pilotes d’un Jaeger), et enfin les acteurs principaux trop peu charismatiques (Charlie Hunnam et Rinko Kinkuchi) empêchent Guillermo del Toro de renouer, excepté lors de quelques séquences, avec les sommets d’émotion de ses deux derniers films.
Ce n'est toutefois pas suffisant pour diminuer le plaisir à retrouver dans les salles obscures le réalisateur mexicain. « Pacific rim » confirme l'excellent niveau de cet été américain.

On retiendra…
L’audacieuse créativité de del Toro se déploie à une nouvelle échelle, épique et colossale.

On oubliera…
La trame générale trop peu originale du scénario et le déficit charismatique des acteurs principaux font perdre le film en émotion, à l’échelle humaine - là où del Toro excellait auparavant.



« Pacific rim » de Guillermo del Toro, avec Charlie Hunnamn, Rinko Kinkuchi, Idris Elba,…

dimanche 7 juillet 2013

La chute de la Maison-Blanche (White house down)

« White house down » est le quatorzième film de Roland Emmerich, et son quatorzième blockbuster. Deux ans après l’échec cuisant de son film historique « Anonymous », le réalisateur allemand a semble-t-il voulu renouer avec le cinéma qui a fait son succès : un grand film d’action et de destruction massive à plusieurs centaines de millions de dollars de budget. Comme il avait déjà fait s’effondrer la Maison-Blanche dans ses trois plus grands succès à ce jour, « Independance day » (1996),  « 2012 » (2009), « Le jour d’après » (2004), c’est tout naturellement que les producteurs de « White house down » lui ont confié cette nouvelle destruction du palais présidentiel américain, cette fois-ci étalée sur deux heures et quart de film. Mieux qu’un blockbuster, un white-housebuster.


                Il n’y a pas besoin d’un retour aux sources pour constater une fois de plus à quel point le cinéma d’Emmerich est peu ambitieux. « White house down » ne vise évidemment pas plus haut que le simple divertissement estival bourré de scènes d’action ahurissantes et abrutissantes.

Action déjà vue
Sauf que le changement d’échelle imposé par ce film, qui oblige le réalisateur à ne pas détruire le monde entier mais un simple édifice, ôte au film son contenu spectaculaire. Les scènes d’action semblent déjà avoir été vues et revues mille fois ailleurs, à commencer par les propres films d’Emmerich. De ce côté-là, « White house down » est complètement anachronique.

Ratage présidentiel
                Le film ne prétendait pas seulement proposer des scènes d’action. Il voulait aussi se rapprocher du fun et du comique de son modèle évident, « Die hard ». Pour cela, les scénaristes ont eu la très mauvaise idée de faire du président des Etats-Unis (interprété par Jamie Foxx) le second personnage principal. C’est censé être le ressort comique principal du long-métrage : malmener la figure présidentielle. Le film, qui raconte le sauvetage du président, espère donc être sauvé par ce président. On voit ainsi dans « White house down » le président des Etats-Unis ramper à quatre pattes, escalader la cage d’un ascenseur, conduire la voiture présidentielle dans le jardin de la Maison-Blanche. Il va même perdre sa chaussure et se mettre à courir en baskets.
Ça aurait pu être drôle si le président avait joué son propre rôle. Comme ce n’est évidemment pas le cas, le second degré s’avère complètement raté. Le film espère jouer de son décalage avec la réalité pour gagner en humour. Or, ce décalage ne cesse de rappeler au spectateur à quel point ce qu’il regarde est faux. Ennuyeux puis agaçant, « White house down » s’effondre donc tout seul : le spectateur, incapable de croire à ce qu’il voit, ne rentre jamais dans le film, et subit donc pendant plus de deux heures la médiocrité de la mise en scène et les rebondissements téléphonés de son scénario.

Divertissement trop pur
                « White house down » est par conséquent complètement dispensable, et se rate sur tous les tableaux. On n’a jamais attendu ça de la part du réalisateur, mais ici on déplore encore plus l’absence de sous-texte, d’intelligence dans ce pur divertissement. Loin des sous-entendus et de l’humour de « Star trek into darkness », loin du spectacle de « Man of steel », « White house down » est peut-être le pire blockbuster de cet été.

On retiendra…
L’idée-même du film : demander à Roland Emmerich de répéter pour la quatrième fois de sa carrière la destruction de la Maison-Blanche.

On oubliera…
Bêtise du scénario, échec des tentatives de second degré, scènes d’action déjà vues : le ratage est d’envergure.


« White house down » de Roland Emmerich, avec Channing Tatum, Jamie Foxx,…