dimanche 30 décembre 2012

Les cinémas toulousains


Les cinémas de Toulouse :
Il n’y a pas que le film qui compte dans une sortie cinéma. Le cinéma où l’on se déplace, la salle où a lieu la séance, la place où l’on s’assoit et le public du cinéma influent aussi énormément sur l’appréciation d’un film. Les habitudes sont bien différentes d’un cinéma à l’autre. Passage en revue des cinémas toulousains, qui sont maintenant tous passés au numérique :

Le cinéma d’art et essai phare de Toulouse. Aussi présent depuis bientôt dix ans à Tournefeuille, il fêtera l’année prochaine ses vingt ans. Présent sur le campus grâce à sa gazette au RU, qui donne le programme sur un mois en demi. Utopia organise très régulièrement des événements. Il est connu pour être « un repaire de gauchos », car le cinéma se fait l’écho de tout un tas de causes (abondance de tracts, d’affiches et de pétitions dans le cinéma comme dans la gazette). Utopia lui-même mène un combat personnel contre la 3D (leur slogan est « Garanti sans 3D ») et les pop-corn. La décoration des salles est soignée.
Aucune publicité avant le film, qui commence à l’heure indiquée sur le programme. On vous refusera l’entrée en salle si vous arrivez en retard (d’après une expérience personnelle malheureuse). Aucune réservation n’est possible. Tous les films sont en VO. La salle 2 est la plus belle et la plus confortable. Si vous avez de la chance, le rideau devant l’écran s’y ouvrira comme au théâtre avant la projection du film.
Trois salles - Station de métro Jean Jaurès (à 18 minutes du campus) – Pas de tarif étudiant

Le plus ancien cinéma d’art et essai de Toulouse (1975). Après deux années de travaux, il a rouvert en 2009. Sa programmation est plus exigeante qu’à Utopia Toulouse, qui capte les films d’auteur les plus commerciaux. abc organise régulièrement des événements. Le cinéma est bien mieux aménagé qu’Utopia, mais sa décoration est moins atypique.
Cinq minutes de publicité avant le film, projeté en VO. On peut acheter le mercredi les places pour toute séance de la semaine. Horaires des séances donnés pour une semaine. La plus grande salle est la salle a, en sous-sol. La sortie de la salle c, au deuxième étage, vous fera longer de multiples fois la façade vitrée du cinéma.
Trois salles - Station de métro Jeanne d’arc (à 20 minutes du campus) – Tarif étudiant à 5,50 euros

Le meilleur multiplexe de Toulouse. Le seul à projeter des blockbusters en VO, ce qui suffit à le rendre incontournable. Il possède plusieurs salles 3D. Très spacieux, on y évolue sans problème. Le cinéma programme toujours aux côtés des blockbusters habituels des films d’auteur. Par contre, s’ils ne rencontrent pas de succès, ils sont ne restent qu’une semaine à l’affiche.
Un quart d’heure de publicité avant le film. Réservation possible, sur place ou sur internet, avec le système du e-billet très pratique pour éviter de faire la queue. Horaires des séances donnés pour une semaine, disponibles le mardi. A l’étage se trouve la plus grande salle du centre-ville, la salle 1.
Treize salles - Station de métro Jean Jaurès (à 16 minutes du campus) – Tarif étudiant à 4,70 euros

Le cinéma à éviter de Toulouse. Décoration défraichie, salles sales, obligation de présenter un justificatif pour avoir le tarif moins de 26 ans, architecture peu commode… Presque tous les films sont en VF, à des horaires identiques qu’à Gaumont Wilson situé en face, et auquel il échoue donc à faire concurrence. Il s’est équipé depuis peu de la 3D.
Un quart d’heure de publicité avant le film. Réservation possible, mais sur internet cela vous demandera un surcoût de un euro. Horaires des séances donnés pour une semaine, disponibles le mercredi. Evitez à tout prix la salle 6, derrière le comptoir confiserie, qui possède un écran aussi grand que le journal que vous tenez entre vos mains.
Neuf salles - Station de métro Jean Jaurès (à 16 minutes du campus) – Tarif étudiant à 4,70 euros

Le plus grand cinéma de la région, et le plus fréquenté. Les caissiers vous proposeront toujours d’acheter à boire et à manger avec votre ticket de cinéma. C’est ce que son directeur appelle les services d’un « cinéma de qualité ». L’intérêt principal de ce cinéma est sa salle IMAX (il n’y en a que cinq en France), avec l’un des plus grands écrans de France, et un son extraordinaire qui vous plonge au cœur du film. Le souci est que tout ça a un prix : Gaumont Labège est aussi le cinéma le plus cher de la région. Tous les films sont en VF, sauf les films IMAX qui ont des séances VO aux horaires les plus compliquées de la semaine.
Un quart d’heure de publicité avant le film. Réservation possible, sur place ou sur internet, avec le système du e-billet. Horaires des séances donnés pour une semaine, disponibles le mardi. Ne ratez pas la salle IMAX.
Seize salles - Centre commercial Labège (à 15 minutes en voiture du campus) – Tarif étudiant à 7,30 euros

L’autre grand multiplexe de la périphérie de Toulouse. Fréquenté seulement le week-end, sinon c’est un désert. Les dernières séances ont lieu à minuit, contre 22h pour les autres cinémas toulousains. Beaucoup de salles 3D : les films 3D y sont diffusés bien plus longtemps que dans les autres multiplexes. Sauf que comme tous les autres films, ils sont projetés en VF. Le grand intérêt du Méga CGR est son public : les spectateurs arrivent en milieu de séance, répondent au téléphone pendant le film, discutent, voire s’insultent. Vraiment très particulier.
Un quart d’heure de publicité avant le film. Réservation possible, sur place ou sur internet. Horaires des séances donnés pour une semaine, disponibles le mercredi. La salle 1 est la plus grande de la région.
Quinze salles – Centre commercial Blagnac (à 20 minutes en voiture du campus) – Tarif étudiant à 4,50 euros

Petit cinéma associatif d’une salle de 80 places très exiguë. Il diffuse des films d’auteur avec un certain retard, ce qui permet de rattraper des films diffusés pas assez longtemps dans les autres cinémas.
Pas de publicité avant le film. Pas de réservation. Horaires des séances donnés pour un mois.
Une salle - Station de métro Saint Michel (à 10 minutes du campus) – Tarif étudiant à 4,50 euros

samedi 15 décembre 2012

Le retour du roi (Le Hobbit, un voyage inattendu)



-          Peter Jackson, avec la trilogie « Le Seigneur des Anneaux », avait déjà atteint l’Everest. Se confronter de nouveau à l’univers de Tolkien en adaptant « Bilbo le Hobbit », roman pour la jeunesse publié dix-sept ans avant « Le Seigneur des Anneaux » (en 1937) supposait un travail d’adaptation bien différent de celui du « Seigneur des Anneaux ».
-          Ce qui explique que Peter Jackson ait confié le projet à Guillermo Del Toro, le réalisateur du « Labyrinthe de Pan ». Mais à cause d’un imbroglio juridique autour des droits d’adaptation qui n’en finissait pas, celui-ci a fini par abandonner le projet après deux ans de travail ! « Le Hobbit » fut donc repris par Peter Jackson, en 2010. Le premier volet, « Un voyage inattendu », est sorti cette semaine.
-          Et on ne peut que… le regretter. Si on est très heureux de retourner dans la Terre du Milieu, « Le Hobbit » par Peter Jackson ne propose rien de plus qu’un retour.
-          Non, pas rien : une nouveauté capitale, qui m’a amené à hausser de un point ta note au film : la HFR ! Peter Jackson est le premier réalisateur à oser tourner un film en 48 images par seconde plutôt que 24. Dernier avatar de la « révolution » numérique au cinéma, cette technologie initiée pour un plus grand confort dans les projections 3D transforme considérablement l’image du film.
-          Oui, j’en ai même vomi !
-          Autant que la première fois que tu es allé voir un film en 3D… Cette blague était vraiment très drôle. Outre la lisibilité très accrue des scènes 3D, la ultra-haute définition de la HFR  apporte la même impression que lorsqu’on visite un studio de tournage et que l’on se rend compte que tous les décors et les costumes paraissent faux.
-          Il en va de même pour les effets spéciaux numériques ! Cette image incroyable qui semble au départ accélérée avant qu’on ne s’y habitue transforme tout le travail réalisé par la direction artistique. Une expérience inédite dont on ne sait pas encore si elle se démocratisera*.
-          On est donc très heureux de revenir dans le formidable univers imaginé par Tolkien. Sauf que le roman « Bilbo le Hobbit » n’a pas du tout la même ampleur que la trilogie « Le Seigneur des Anneaux » : son ton beaucoup plus léger ne visait pas à l’épique de la trilogie romanesque. Mais Peter Jackson tenait apparemment à tout prix à renouveler l’expérience du « Seigneur des Anneaux » en réalisant une nouvelle trilogie, et en reprenant la même mise en scène. Le matériau ne s’y prêtait pas, et la contradiction affleure souvent.
-          On prend beaucoup de plaisir à retrouver des lieux et des personnages familiers tel que Fondcombe ou Gollum, ou encore la musique de Howard Shore. Mais plutôt que « familiers », on aurait préféré « nouveaux »…
-          Peut-être les deux autres volets le proposeront-ils... En tout cas, on est déjà impatients de les voir !

On retiendra…
Comment refuser un nouveau voyage dans l’univers du « Seigneur des Anneaux » ? Le format HFR du film rend sa projection unique.

On oubliera…
Peter Jackson applique les mêmes recettes à l’adaptation de « Bilbo le hobbit » qu’à celle du « Seigneur des Anneaux », alors que le ton du livre est tout autre.

*La HFR n’a pas suscité l’engouement des exploitants. En France, seule une trentaine de salles en France diffusent le film sous ce format. Ce qui ne devrait pas empêcher James Cameron de tourner les suites de « Avatar » en 60 images par seconde.

« Le Hobbit, un voyage inattendu » de Peter Jackson, avec Martin Freeman, Ian McKellen,…

lundi 10 décembre 2012

Crocodilesque (Tabou)



-          L’année se termine… et alors que l’on croit avoir tout vu, arrive un chef-d’œuvre qui élargit encore l’idée que vous vous faisiez des pouvoirs du cinéma…
-          Hum. Je pense que le plus dur, dans cette critique, sera de ne pas trop en faire – mais pourtant, il nous faut vous convaincre que « Tabou » de Miguel Gomes est la ou l’une des expériences cinématographiques les plus belles et étonnantes de l’année. Présenté à Berlin au début de l’année, il n’arrive qu’en décembre en France. Pourquoi n’a-t-il pas gagné l’Ours d’or à Berlin - mais un prix récompensant « son caractère novateur » (le prix Alfred-Bauer) ?
-          Non, le plus dur sera de ne pas trop en dévoiler. Le mieux, comme toujours, est de déposer ce journal et de courir au cinéma abc à la prochaine séance du film. Disons juste que « Tabou » est en noir et blanc. Son histoire est en deux parties. Et « Tabou » est… muet ?
-          Le terme ne convient pas. Miguel Gomes, réalisateur portugais, a monté son film d’une manière inédite. La deuxième partie du film est muette, seulement accompagnée d’une voix-off, ou parfois d’une musique.
-          Je t’avais dit qu’on allait trop en dire… Ce procédé, que l’on retrouve d’abord dans le prologue du film, vous ensorcelle immédiatement. « Tabou » est un souvenir qu’on aimerait revivre, et c’est aussi un film sur la nostalgie : je ne peux pas imaginer aujourd’hui de meilleure forme pour exprimer ce sentiment que celle qu’a donnée Miguel Gomes à son film.
-          Pour décrire ce qu’est le souvenir de cette projection, il n’y a pas de meilleure expression que le titre de la première partie : « Paradis perdu ».
-          Je t’avais dit qu’on en ferait trop. Quel que soit le point de vue sous lequel vous le regardez, « Tabou » est un chef-d’œuvre. Sa mise en scène, au-delà de ce dont nous vous avons déjà parlé, ménage une multitude de surprise et de rupture de tons. Les deux parties du film elle-même en sont déjà une. Le noir et blanc, indissociable du fait qu’il soit muet, est extraordinaire.
-          Après une telle séance, la fin du monde peut avoir lieu.
-          Ne dis pas ça. Il est probable que sortiront encore plusieurs bons films d’ici la fin de l’année.
-          Bon ou pas, on vous parlera du retour de Peter Jackson pour le dernier article de l’année. En attendant, faites attention au crocodile.

On retiendra…
La forme inédite qui fait ressentir au spectateur le sujet-même du film.

On oubliera…
Après l’avoir vu, on craint de trouver injustement mauvais le prochain film que l’on compte aller voir.

« Tabou » de Miguel Gomes, avec Ana Moreira, Carloto Cotta,…

lundi 3 décembre 2012

Ruiz Blas (Les lignes de Wellington)



-          Raoul Ruiz avait signé son chef-d’œuvre avec « Les mystères de Lisbonne ». Ce film d’une durée extraordinaire (4h26) avait été exploité dans les salles de cinéma en 2010 et diffusé sous la forme d’une série télé de six épisodes en 2011 sur arte.
-        4h26… Voilà le genre de durée qui vous transforme une séance de cinéma en trophée. Ça impressionne et c’est très distingué.
-          J’ai peine à croire que tu ne te sois déplacé au cinéma que pour ces raisons-là. Ce que je voulais voir, c’était cette nouvelle forme que Ruiz venait de créer : un hybride inédit entre film et série télévisée. Un concept qu’il comptait reprendre pour « Les lignes de Wellington », avant qu’il ne décède lors de la préparation du tournage. Ecrit par le même scénariste que « Les mystères de Lisbonne », Carlos Saboga, le film raconte l’invasion du Portugal par les troupes napoléoniennes du général Masséna en 1810. Sa compagne Valeria Sarmiento reprit le film et le réalisa à sa place en son hommage.
-          Et pourtant, au début de la projection, on se croit de retour dans « Les mystères de Lisbonne ». « Les lignes de Wellington » est aussi filmé en plans-séquences avec une caméra qui se déplace lentement d’un point du décor à un autre, pour tisser l’écheveau d’une myriade d’intrigues individuelles. Mais alors que dans le film de Ruiz ces intrigues se multipliaient et s’emboitaient jusqu’au vertige, la forme plus resserrée (2h31) et linéaire des « Lignes de Wellington » substitue à ce vertige un suspense croissant au fur et à mesure que les troupes françaises se rapprochent des fameuses lignes du général Wellington.
-          On sent que le film aurait pu durer au moins deux fois plus longtemps ! Le scénario de Carlos Saboga, en juxtaposant plusieurs intrigues parfois très peu liées, semble aussi inépuisable en intrigues que celui d’une série télévisée. « Les lignes de Wellington » n’est pas un film de Raoul Ruiz mais bien de Valeria Sarmiento, et un de ses choix fut de donner un forme plus brève à ce récit très riche.
-          Ce procédé très libre de narration est passionnant par la profusion de ces intrigues, mais leur multiplication conduit inévitablement le spectateur à en trouver certaines plus intéressantes que d’autres. Surtout, ce procédé permet de décrire avec une précision extraordinaire les conséquences et les répercussions de cette invasion sur toutes les populations impliquées dans le conflit. L’Histoire semble restituée dans toute sa complexité.
-          Beaucoup des personnages du film sont interprétés par des grands acteurs européens venus rendre hommage à Ruiz, parfois au prix d’apparitions parfois furtives. Mais la liste est trop longue pour être citée !
-          Et le cinéma portugais n’a pas fini de nous enthousiasmer, avec la sortie mercredi d’un chef-d’œuvre : « Tabou » de Miguel Gomes. On vous en parlera la semaine prochaine…
On retiendra…
Fresque épique vécue par le prisme d’une multitude de points de vue différents, filmée en longs plans-séquences et parsemée de références picturales : ces deux heures et demie de film paraissent bien courtes.

On oubliera…
La multiplication des intrigues a pour défaut de rendre certains segments moins captivants que d’autres.

A noter :
Comme pour « Les mystères de Lisbonne », « Les lignes de Wellington » sera exploité sous la forme d’une série télévisée. Trois épisodes seront diffusés en 2013 sur arte.

« Les lignes de Wellington » de Valeria Sarmiento, avec Adriano Luz, John Malkovich, Nuno Lopes,…