samedi 30 juillet 2011

L'été américain 3 : C'est fini ! (Harry Potter et les reliques de la mort, deuxième partie)

        La saga littéraire se terminait d’une manière plutôt décevante. On ne s’étonnera donc pas si le film répète les erreurs du livre. « Harry Potter » au cinéma ne s’achève donc pas sur le meilleur film de la saga (qui restera le troisième opus signé Alfonso Cuaron, curieusement celui qui a eu le moins de succès…) – mais sur le plus impressionnant.


        On se rend compte à la vision de cette deuxième partie à quel point l’épisode précédent était calme et bavard. Ici, la guerre qui ne se dessinait qu’en arrière-plan dans les opus précédents est enfin montrée à l’écran. Le film peut enfin resserrer son intrigue, en concluant une à une les pistes narratives développées par la saga, et laisser place à l’action et à l’épique. On peut toutefois s’interroger sur l’intelligibilité de ces « révélations » finales : certes simple rappel pour les lecteurs de l'oeuvre, mais véritable casse-tête pour les autres, à qui on conseillera au mieux de lire les livres, sinon de revoir les films juste avant pour y comprendre quelque chose. Mais qui n’a pas encore lu Harry Potter ?

Effets spéciaux extraordinaires et 3D originale
        Ce dernier épisode est donc le plus spectaculaire, grâce à ses effets spéciaux et sa 3D. La conversion en 3D, très réussie, a complètement bouleversé le montage de cette deuxième partie, bien différente à ce niveau de la première. Dans le film précédent les scènes d’action était montée au stroboscope (la course-poursuite dans les bois, notamment). Illisible en 3D. C’est donc le montage opposé qui a été opéré dans la suite : à l’avalanche de plans ultra-rapides et tonitruants succède de longs plans-séquence défilant au ralenti, et au son assourdi. La mise en scène se met donc entièrement au service de la 3D, avec plusieurs effets de jaillissement. Tant mieux pour le spectacle, tant pis pour la continuité avec le film précédent. Pas sûr que vus ensemble, les deux parties soient homogènes.
        Un dernier mot sur la 3D : pour la première fois, c’est une image à courte focale qui a été convertie en 3D, donnant un rendu visuel unique très appréciable, passée la déstabilisation initiale.

Trop pauvre en émotion
        Cependant bien que le spectacle soit assuré, on reste quand même sur sa faim : le film aurait pu être bien plus émouvant ! Le siège final de Poudlard semble un peu brouillon, et le duel final avec Voldemort un peu trop rapide. Mais ce qui pose problème par-dessus tout, c’est la maladresse récurrente qui gâche parfois le spectacle. David Yates n’a aucun talent pour susciter l’émotion, qui ne repose que sur l’excellente musique d’Alexandre Desplat et le sentiment d’assister à la conclusion d’une énorme entreprise cinématographique. On se souvient du traitement complètement raté de la mort de Sirius Black dans « L’Ordre du Phénix » (le moins bon opus de la saga). Il récidive ici encore lors de plusieurs scènes, et en particuliers lors du discours risible de Neville Londubat face à Lord Voldemort.

Un épilogue malencontreux
        Mais le défaut majeur de cette conclusion est, comme pour le livre, le fameux épilogue « 19 ans plus tard ». Plutôt que de suivre à la lettre le roman, le scénariste aurait au moins pu épargner au spectateur ce qui avait tant agacé les lecteurs ! Déjà mauvais en littérature, l’épilogue s’alourdit encore au cinéma d’un défaut majeur. La principale qualité de cette saga cinématographique, ce qui fait son unicité, est d’avoir réussi à garder les mêmes acteurs tout au long des huit films, et les mêmes spectateurs. Comme ces derniers, ils vieillissaient de film en film, créant une complicité inédite. Les voir artificiellement vieilli de vingt ans lors de la dernière séquence de la saga est une négation même de cette complicité, une incohérence finale qui acquiert presque un caractère outrageant.
        La saga ne s’achève donc pas en apothéose. Spectaculaire mais froid, cet ultime épisode a tout simplement les défauts des précédents réalisés par David Yates.

On retiendra…
La conclusion d’une saga d’une ampleur sans précédent au cinéma. Les effets spéciaux spectaculaires et la 3D. La musique d'Alexandre Desplat.

On oubliera…
La mise en scène qui a du mal à susciter l’émotion, l’épilogue final.

« Harry Potter et les reliques de la mort, deuxième partie » de David Yates, avec Daniel Radcliff, Rupert Grint, Emma Watson,…

vendredi 8 juillet 2011

La 3D française se cogne dans le mur (Derrière les murs)

        Premier film français en prise de vues réelles à sortir en 3D, « Derrière les murs » aurait pu être un événement. Mais le faible nombre de copies distribuées, la relative absence de communication autour de l'oeuvre et surtout son très mauvais positionnement sur le calendrier des sorties, en pleine période des blockbusters américains dopés à la 3D, font que le film passe relativement inaperçu. Mais une fois vu, on comprend mieux pourquoi cette frilosité des distributeurs: « Derrière les murs » est tout simplement un mauvais film.


Absence rédhibitoire d'originalité et lourdeur de la mise en scène
        L’entrée du cinéma français dans la 3D hors animation s’avère donc ratée. La faute sûrement au manque d’expérience de ses deux réalisateurs Julien Lacombe et Pascal Sid, qui signent ici leur premier film. Ce long-métrage se veut fantastique, effrayant et cherche à provoquer un malaise. Mais le scénario est d’une telle banalité qu’on devine tout à l’avance et l’ennui pointe très vite une fois compris que le seul atout du film est sa 3D.
      La direction d’acteurs est très maladroite, aucun acteur ne réussit à insuffler de l’ambigüité dans son personnage qui reste donc coincé dans un archétype. Lors des scènes de foule, la maladresse est telle que celles-ci perdent toute crédibilité. Le plus agaçant est toutefois la mise en scène, bêtement illustrative, qui s’acharne à transcrire à l’écran chaque ligne de son scénario : par exemple, au milieu d’une scène de dialogue, un mouchoir tombe de la poche de l’héroïne sans que celle-ci s’en aperçoive, et les réalisateurs Sid et Lacombe insèrent un plan pour montrer sa chute. Comment croire avec ce plan insistant que l’héroïne ait oublié le mouchoir ? Et il en va de même tout au long du film.

(Télé)film 3D
      Quant à la 3D, son utilisation a été à l’évidence bien réfléchie, on retrouve bien de la profondeur dans chaque plan (même lorsque des paysages sont filmés, les réalisateurs ont veillé à ce que des branchages ou des buissons occupent l’avant-plan). Mais l’histoire du film est si peu originale qu’on ne comprend pas vraiment ce que vient faire ici la 3D. Un mauvais film 3D reste un mauvais film, et les réalisateurs auraient dû davantage se concentrer sur leur mise en scène que sur la technologie relief.
      Tous ces éléments donnent à « Derrière les murs » l’allure d’un téléfilm. Seule la présence de Laetitia Casta en tête d’affiche et la 3D peuvent motiver sa sortie dans les salles obscures. Pour ses premiers pas dans la 3D, le cinéma français voit petit avec « Derrière les murs », finalement premier téléfilm 3D français.

On retiendra…
La 3D bien pensée mais inutile. Quelques effets de sursauts sont efficaces.

On oubliera…
La mise en scène, la direction d’acteurs, la banalité affligeante du scénario et la pauvreté des décors, étonnamment vides.

« Derrière les murs » de Pascal Sid et Julien Lacombe, avec Laetitia Casta, Thierry Neuvic,…

jeudi 7 juillet 2011

L'été américain 2 : les montagnes russes peuvent-elles tuer le cinéma ? (Transformers 3 : la face cachée de la Lune)

        Avant même de voir « Transformers 3 », on peut s’attendre à de gros défauts inhérents à la franchise et déjà rédhibitoires. D’abord, c’est une oeuvre de Micheal Bay, le réalisateur le plus bourrin et répétitif de Hollywood. Le film est ensuite opportunément tiré de jouets (des voitures se transformant en robots) qui peuvent contenter les enfants américains mais qui sont bien incapables de faire de même avec des spectateurs plus âgés. Enfin, on parle ici d’une suite, un produit à abêtissement massif devenu la seule spécialité de cet Hollywood appauvri, cimetière de scénarios originaux et nouveaux.


        Ces défauts étaient attendus : ils sont bel et bien là. Et bien accompagnés qui plus est. Il n’y a donc pas de miracle pour ce neuvième essai par Michael Bay de réalisation d’un film de cinéma et non pas de parc d’attractions.

La mise en scène agaçante et répétitive de Bay
      Comme d’habitude, le réalisateur répète ses tics de mise en scène : toujours la même ambiance, la même lumière, le même montage. Ça ne ressemble plus à la touche personnelle du réalisateur, mais à une uniformisation par Bay lui-même de ses propres films. Pas étonnant donc qu’un internaute repère et révèle la réutilisation dans « Transformers 3 » de plusieurs plans de voitures qui s’écrasent déjà vus dans « The Island ».[1] Pour la subtilité de la mise en scène, Michael Bay fait encore des étincelles ; on voit ainsi la caméra glisser vers l’actrice Rosie Huntigton-Whiteley, la remplaçante de Megan Fox, alors qu’un vendeur fait l’éloge des courbes d’un modèle de voiture, ou un drapeau américain en lambeaux envahir subitement l’arrière-plan dans les dernières minutes expédiées du film. Sans parler des énormes placements de produits, travers réputé de Bay, encore plus visibles en 3D.
        Le scénario propose toujours des blagues lamentables et risibles, alors que le film a terriblement besoin de sérieux pour pouvoir exister : les robots-voitures portent déjà le ridicule du film au-delà des limites acceptables, au point qu’on se demande parfois si le film ne se parodie pas lui-même. Voir l’Autobot Optimus, dans sa lutte contre le Décepticon Mégatron, déclamer face caméra de sa voix grave : « Nous nous battrons toujours pour la liberté » et d’autres phrases pompeuses du même genre prouve au moins que le scénariste n’échoue pas systématiquement quand il s’agit de faire rire le spectateur.

Scénario banal et invraisemblable
        Cet épisode se voulait doté d’un réel scénario, en réadaptant les missions Apollo à la sauce Transformers. Bay a même réussi à convaincre Buzz Aldrin de faire un caméo. On aura au moins appris que ce dernier a très mauvais goût au cinéma, ou désespérément besoin d’argent.[2] Mais Bay n’a pas le talent nécessaire pour faire croire à son histoire, finalement pas intéressante et très classique. Le film se fourvoie complètement lorsqu’il montre Sam Witwicky (Shia LaBeouf) courir à Chicago non pas pour sauver l’Humanité (pas assez émouvant) mais pour sauver sa bien aimée Carly (Rosie Huntigton-Whiteley). La tâche est surhumaine ; aucun réalisateur n’aurait pu rendre crédible une telle histoire d’amour : alors que LaBeouf filait le parfait amour avec Megan Fox dans les deux volets précédents, il se retrouve sans crier gare et sans explication (à la réflexion, c’est mieux qu’il n’y en ait pas) dans les bras de Huntigton-Whiteley suite à la défection de la seconde.

Une 3D écrasante
        Mais « Transformers 3 » se relève un peu dans sa dernière heure, suite sans fin de scènes d’action assurant un spectacle purement visuel allant crescendo, rendues encore plus impressionnantes avec la 3D (j’ai vu le film en IMAX 3D). Cette dernière est d’excellente facture : voilà donc enfin un réalisateur qui a compris que pour faire sentir le relief il fallait occuper l’image en profondeur. Depuis les insectes et la flore exubérante qui emplissait les images d'« Avatar », il semblait qu’aucun réalisateur ne savait utiliser la technologie à Hollywood. Ici pas d’effets de jaillissement mais de la poussière, des étincelles et des objets qui envahissent le champ et confèrent à l’image l’épaisseur qui manque si cruellement au scénario… On se croirait alors dans un manège de parc d’attractions, puisqu’on ne se préoccupe plus guère du scénario. On ne pourra nier qu’un tel festival pyrotechnique procure un plaisir certain. Un tel spectacle vaut largement le prix d’une place de cinéma IMAX 3D. A ce niveau-là, le film mériterait sûrement une étoile de plus. Sauf que ce n’est assurément pas du cinéma, et vu le succès remporté par le film ce n'est pas ce blockbuster qui fera changer la politique actuelle de production des studios américains.
        On ressort donc de la projection avec un gros coup sur la tête, les yeux défoncés par tant de 3D (le montage du film est sûrement un peu trop rapide pour rendre celle-ci confortable), et frustré de voir un scénario si faible tenter de relier entre elles des scènes d’action si prodigieuses. « Transformers 3 » est un gros film, mais pas un grand film – en fait, pas un film tout court.

On retiendra…
L’accumulation des scènes d’action dans la dernière heure du film, très impressionnante grâce à une 3D plutôt bien utilisée et de bonne qualité.

On oubliera…
Tout le reste. Et en particulier l’éloge omniprésent de la voiture.

« Transformers 3 : la face cachée de la Lune » avec Shia LaBeouf, Rosie Huntigton-Whiteley,…




[1] La vidéo est visible ici.
Un article plus explicite est lisible en cliquant ici.


[2]  Buzz Aldrin n’est pas le seul : Orson Welles a jadis doublé un Transformers dans un dessin animé sorti au cinéma en 1986 !

mercredi 6 juillet 2011

Le raccourci de Meek (La dernière piste)

        Dans « La dernière piste », en compétition à Venise l’an dernier, on suit les errances de colons américains perdus dans les immenses espaces de l’Ouest. Ils n’ont plus d’eau et ne savent pas où en trouver. Une course contre la soif s’engage, jusqu’à la capture d’un indien.


        Les personnages et les paysages sont ceux du western, mais le film est bien plus atypique que cela – difficilement réductible à un genre. Le rythme assez hypnotique du film fait ressentir au spectateur la lenteur du voyage et ses fatigues ; les péripéties « classiques » attenantes à tout voyage (comme un essieu qui se casse), contrant l’ennui et relançant l’intérêt du film ; l’attente par les colons d’un événement heureux qui se transformera en désespoir… Les gestes présentés sont simples, banals et ont la force du quotidien, mais par la force du film et de leur poids historique ils sont néanmoins passionnants.

Le pouvoir de la suggestion
        Le spectateur est donc laissé à lui-même au milieu de cette caravane qui se cherche un chef. Le film lui laisse toute latitude pour observer et réfléchir, et c’est ce qui fera toute la force de sa deuxième partie (après la capture de l’indien). La caméra a alors familiarisé le spectateur avec les colons américains, l’identification a pu opérer. Le spectateur ne peut donc que buter comme les colons contre la figure de l’indien, si résolument étrangère qu’elle devient l’incarnation de l’inconnu et de l’altérité. Que fait-il ?, que dit-il ?, il est impossible de le savoir. Le champ laissé à la réflexion pour le spectateur fait alors des merveilles, puisque le pouvoir de suggestion fonctionne pleinement à chaque geste mystérieux de l’indien. Peut-être à vide, peut-être pas. Cela dépendra de chacun et de son humeur. L’interprétation du comportement de l’étranger peut même amener à voir « La dernière piste » comme un film d’horreur (!).

Une fin pleine de sens
        Mais le film serait un peu vain s’il ne se distinguait que par cette énigme. Or lors de cette deuxième partie on assiste, toujours aussi fasciné, à l’évolution des relations dans la caravane face à l’irruption de l’inconnu ; et en particulier, guidé par une caméra qui s’attarde volontiers sur leurs visages, au glissement du commandement de la caravane des hommes aux femmes, Emily Tetherow (Michelle Williams) en tête. « La dernière piste » étonne alors encore en devenant un film aux allures de western... féministe.

On retiendra…
L’étrangeté de l’indien, le rythme du film et sa beauté visuelle.

On oubliera…
Une certaine lourdeur du montage lors d’un moment de tension à la fin du film.

« La dernière piste » de Kelly Reichardt, avec Michelle Williams, Paul Dano, Will Patton,…