mercredi 19 octobre 2011

Hpaulysce (Polisse)



-          La sélection du dernier film de Maïwenn en compétition officielle à Cannes a été une surprise. Maïwenn (le Besco) n’avait réalisé avant « Polisse » que deux films plus ou moins malmenés par la critique. Bien qu’elle soit aussi actrice, Maïwenn est restée relativement inconnue…
-          Voyons, c’est quand même elle qui joue la diva extra-terrestre bleue dans « Le cinquième élément » !
-          … relativement inconnue, donc, mais cela devrait complètement changer avec ce film. Et pas seulement parce que celui-ci a été récompensé du prix du jury à Cannes. « Polisse » se révèle encore plus étonnant que son sujet : raconter le quotidien des policiers de la Brigade des Mineurs de Paris (BPM). Un film très inhabituel qui s’impose comme une réussite.
-          Pourtant, ça commence mal. La réalisatrice semble incroyablement naïve. Elle ose par exemple ouvrir son film par la chanson « L’île aux enfants » ! L’image ressemble à celle d’un téléfilm, de même que les cadrages. Le scénario paraît lui aussi anormal : les scènes se succèdent apparemment sans lien narratif, si ce n’est qu’on y retrouve les mêmes policiers, comme des épisodes de série télé mis bout à bout…
-          Sauf que c’est grâce à cette simplicité formelle que le film est si poignant. A l’apparente candeur de la mise en scène s’oppose l’horreur des situations auxquelles les policiers doivent incessamment faire face. Le contraste est si fort que le rire naît souvent, un rire permis par cette mise en scène. Si la description avait été plus dure, celui-ci serait sûrement devenu insoutenable, et surtout bien moins émouvant.
-          La réalisatrice joue très souvent de ces contrastes et à de multiples niveaux, puisque même le rôle qu’elle joue dans le film en est marqué. Ainsi, c’est toujours au moment où l’on se convainc de la naïveté de la réalisatrice que celle-ci change de registre brusquement, jusqu’à la scène finale !
-          « Polisse » avance donc perpétuellement sur une corde raide, hésitant entre l’ingénuité et la crudité. Les instabilités autour de cet équilibre rendent le film passionnant de bout en bout.
-          Mais quelques défauts persistent néanmoins, des moments où la réalisatrice en fait vraiment trop… Tout dépendra de la tolérance de chacun, car si pour certains cela n’empêchera pas d’être emporté par le film, ça ne m’étonnerait pas que cela coince pour d’autres.
-          Enfin, le film est porté par un casting ahurissant, où l’on retrouve énormément d’acteurs français connus, en plus de Joey Starr très convaincant dans son rôle. Alors, ne soyez pas rebuté par le sujet du film : « Polisse » est un film qui ne ressemble à aucun autre.

On retiendra…
Le film nous mène de surprise en surprise. La mise en scène est peu commune mais donne une grande force émotionnelle au film. Les acteurs, nombreux et impressionnants.

On oubliera…
A force de jouer sur la naïveté, il est difficile de ne pas y tomber par moments.

« Polisse » de Maïwenn, avec Karin Viard, Joey Starr, Marina Foïs, Maïwenn,…

samedi 15 octobre 2011

N&B (The artist)


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-          Stop ! ça ne marche pas du tout ! Si on ne passe pas au parlant, jamais nous n’irons au bout de cette chronique.
-          Je te l’avais dit que c’était une mauvaise idée ! Est-ce qu’on écrivait en couleurs les fois précédentes ? Pourtant les films n’étaient pas en noir et blanc !
-          Non, mais ça aurait pu être drôle. Enfin, les lecteurs auront sûrement compris maintenant que cette semaine nous parlerons de « The artist », le nouveau film de Michel Hazanavicius.
-          Qui d’autre que lui aurait osé réaliser au XXIème siècle un film muet en noir et blanc, capable de remporter un grand succès au box-office* ? Depuis « OSS 117 : le Caire, nid d’espions», Hazanavicius a démontré qu’il savait allier humour, intelligence et succès populaire dans une comédie.
-          En effet, les deux « OSS 117 » (un troisième est en préparation), non contents d’être très drôles, étaient bourrés de références cinématographiques. Hazanavicius avaient recréé les années 50-60 dans ces deux films non seulement par les décors et les costumes mais aussi en réutilisant les méthodes de tournage et les trucages de l’époque. En allant jusqu’au bout de sa méthode, il ne pouvait que poursuivre sa remontée du temps en reproduisant toujours au plus près le cinéma de l’époque - remonter le temps… jusqu’aux films muets.
-          Que « The artist » soit son meilleur film à ce jour n’est donc pas étonnant. Le réalisateur impressionne par sa restitution du cinéma de années 20, réussit à faire rire et arrive à une grande intensité dramatique à la fin. Le film surprend encore plus que les précédents par son aspect technique.
-          …auquel on ne saurait toutefois le réduire ! « The artist » n’est pas qu’un simple pastiche des films muets, le scénario est encore une fois très intelligent puisqu’il raconte le passage à Hollywood du muet au parlant. La mise en scène d’Hazanavicius rappelle la richesse de celle des films muets, mais joue aussi constamment sur la parole… dans un film muet. De quoi donner une certaine actualité au film.
-           « The artist » rappelle que l’arrivée du parlant dans les années 30, en mettant brutalement fin aux films muets, a été suivi d’une très forte baisse de qualité de la production cinématographique pendant plusieurs années. Le temps que les réalisateurs et les acteurs apprennent à utiliser ce nouvel outil, beaucoup de navets ont été commis et oubliés. C’est aujourd’hui la même chose qui se produit avec la 3D, annoncé comme une révolution similaire au parlant, et que les producteurs ont pour l’instant bien du mal à exploiter convenablement depuis la sortie d’« Avatar »… L’arrivée en 2011 de « The artist » n’est donc pas anodine.

On retiendra…
Le jeu sur la parole, qui permet au film de dépasser le stade du simple pastiche du cinéma muet.

On oubliera…
L’interprétation de Jean Dujardin. Elle n’est pas du tout à oublier et est à vrai dire excellente, mais l’acteur n’apporte rien de nouveau par rapport à ce qu’il avait déjà fait lors des « OSS 117 ». On en attendait plus pour un prix d’interprétation masculine à Cannes.

A noter :
*D’autres films muets en noir et blanc ont déjà été réalisés dernièrement, comme « Juha » de Kaurismaki (réalisateur aussi en compétition à Cannes cette année), sorti en 1999, mais seulement dans très peu de salles et à vrai dire complètement oublié depuis. « The artist » semble promis à un autre destin !

« The artist » de Michel Hazanavicius, avec Jean Dujardin, Bérénice Bejo,…

Apologique ou magnifique ? (L'Apollonide)


-          L’un des cinq films français en compétition à Cannes propose de plonger pendant deux heures à l’intérieur d’une maison close, en deux temps : « au crépuscule du XIXème siècle » et « à l’aube du XXème siècle ». Le film se centre en particulier sur une prostituée connue sous le nom de « la Juive », qui rêve secrètement à une vie de couple avec son client favori – personnage par ailleurs plutôt inquiétant, comme nous le fait comprendre sans ambages la toute première scène du film.
-          Une fois celle-ci passée, force est de remarquer que le réalisateur et scénariste Bertrand Bonello nous offre une étude des mœurs et des habitudes de la vie des habitantes de la maison close, monde fermé et replié sur soi à l’intérieur duquel le temps est comme suspendu, plutôt qu’une véritable histoire. C’est d’ailleurs de là que vient la grande déception que ce film m’a inspiré, la première pour un film en compétition cette année à Cannes : il ne s’y passe presque rien.
-          Mais en quoi cela est-il gênant ? Car on ne s’y ennuie pas, loin de là ! Evidemment, en allant voir « L’Apollonide », qu’on ne s’attende pas à se retrouver devant le dernier blockbuster américain à la mode… et heureusement ! Ce n’est pas ce qu’on lui demande. Tout d’abord, l’action, bien que peu présente, est habilement distillée tout au long du film, alternant entre d’intelligentes phases de tension, et des scènes plus posées et contemplatives. La photographie est extrêmement réussie, l’ambiance feutrée et luxueuse de la maison close superbement retranscrite, de sorte que l’on s’y trouve immergé durant toute la durée du film. Chaque plan, chaque scène respire la perfection dans son traitement esthétique, mais aussi scénaristique : la déchéance des jeunes prostituées dans cet univers particulièrement raffiné, aux antipodes de leur propre quotidien, est ici montrée particulièrement crûment, entre bains de champagne et actes de torture perpétrés par certains clients, opulence et maladies vénériennes incurables : ces éléments en tous points opposés se percutent ici presque logiquement, entre émerveillement visuel et horreur ordinaire.
-          Les images sont peut-être très esthétiques, mais elles sont complètement froides. Bonello ne fait naître aucune empathie entre ses personnages et le spectateur, qui s’ennuie donc très vite puisque de l’autre côté il n’y a pas d’intrigue à suivre. Ne pas susciter l’émotion face à un tel mélange d’horreur et de luxe semble un comble ! Mis à part le jeu sur les oppositions qui se retrouve jusque dans la musique, anachronique, il n’y a pas grand-chose à retenir du film. Et après avoir montré tout au long du film la monstruosité des maisons closes, le réalisateur embrouille le spectateur avec une scène finale où il semble les regretter. Un dernier faux pas qui n’a pu qu’achever de me convaincre que « L’apollonide » est un beau film raté.

On retiendra…
La beauté des images : décors, costumes, éclairages sont très travaillés. L’interprétation des actrices. Les anachronismes.

On oubliera…
Aucune émotion, si ce n’est du dégoût. Surtout, une absence de réflexion et une fin qui sème le doute quant aux intentions du réalisateur.

« L’apollonide – souvenirs de la maison close » de Bertrand Bonello, avec Hafsia Herzi,…

dimanche 2 octobre 2011

Souvenirs de projection (Policier, adjectif)


-          Cette semaine, nous avons décidé de faire une pause dans l’actualité pour vous parler d’un film qui nous a marqué, d’une projection inoubliable, d’un moment de cinéma extraordinaire.
-          C’est le genre de séance où, lorsqu’on ressort de la salle de cinéma, on a vraiment l’impression d’avoir vécu quelque chose d’unique et de rare. Quiconque a vu « Policier, adjectif » de Corneliu Porumboiu peut être fier de lui, car ce film, prix du jury « Un certain regard » à Cannes en 2009, appartient à la Nouvelle Vague roumaine.
-          Et oui, il y a aussi une Nouvelle Vague en Roumanie, qui a donné naissance à plusieurs œuvres régulièrement présentes dans les sélections parallèles à Cannes. Mais ce que nous ignorions, c’était que le but de la Nouvelle Vague roumaine est de filmer l’ennui en temps réel.
-          Attention, le lecteur pourrait ne pas comprendre toute la portée de ta dernière phrase. Donnons-lui un exemple : à la fin du film, le héros, un jeune policier chargé de la filature d’un adolescent dealeur, est convoqué par le commissaire. Dans l’antichambre de son bureau, la secrétaire du commissaire annonce au policier qu’il le recevra dans dix minutes. Et c’est à cet instant que transparait tout le génie de la mise en scène du film : pendant dix minutes, le spectateur voit le policier attendre sur sa chaise.
-          Soyons honnêtes, ne forçons pas le trait : à un moment de l’attente, la secrétaire propose quand même un journal au policier (que celui-ci refusera malheureusement).
-          Et nous ne vous avons parlé que de la fin du film ! Si nous avons pu la supporter, c’est bien parce que les presque deux heures qui précédaient étaient du même tonneau et nous avaient endurcis. La mission de filature du policier se révèle tout sauf passionnante (c’est fait exprès), condamnant le héros à marcher longuement et en silence dans des rues bétonnées, délabrées et désespérément vides, à une centaine de mètres derrière celui qu’il surveille. J’avoue avoir lutté contre le sommeil à un moment donné de l’haletante course-poursuite, mais après avoir repris totalement mes esprits, le policier marchait toujours derrière l’adolescent : ouf !
-          Montrer l’ennui d’une manière si crue, ça ne s’était peut-être jamais fait au cinéma auparavant, et cette spécialité du nouveau cinéma roumain a donc quelque chose de remarquable. Mais on est ici bien loin de l’ennui fascinant des personnages de Sofia Coppola. Filmer la réalité dans ce qu’elle a de plus trivial est un calvaire pour le spectateur !
-          Evidemment, ces scènes minimalistes étirées à l’extrême encadrent des scènes de dialogues plus intéressantes (au nombre de deux dans « Policier, adjectif »), en particulier la conversation finale avec le commissaire à la limite de l’absurde et du burlesque, où le titre du film trouve son explication. Mais si ces scènes de dialogues sont plus marquantes, c’est peut-être aussi parce qu’elles rompent avec l’insupportable monotonie de ce qui précédait… La méthode semble un peu facile pour rajouter du poids à ce qui en est dépourvu.
-          « Policier, adjectif » est de ces films qui ne peuvent se voir qu’au cinéma, le seul endroit qui soit assez calme pour accepter (à regret et parce qu’on a payé sa place) de visionner un film aussi lent et aussi morne. Voilà ce que peut proposer de pire le cinéma d’auteur. Il est quand même difficile de regretter une telle expérience : il faut l’avoir vu pour le croire.

On retiendra…
La scène de dialogue finale.

On oubliera…
Montrer l’ennui en temps réel est peut-être intéressant artistiquement parlant, mais c’est beaucoup trop exigeant pour le spectateur…

« Policier, adjectif » de Corneliu Porumboiu, avec Dragos Bucur, Vlad Ivanov,…
Depuis sa sortie française le 19 mai 2010, le film n’est toujours pas sorti en DVD et est introuvable en VOD. Peut-être passera-t-il un jour (ou plutôt une nuit) sur Arte. Alors, bon courage aux amateurs…

Ovale rouge (Carré blanc)


-          Tu veux encore parler d’un film dont personne n’a entendu parler ?
-       Et dont personne n’entendra parler ! Mais malgré la déception, le projet semblait trop intéressant pour que cette rubrique ne lui soit pas consacré cette semaine : « Carré blanc » de Jean-Baptiste Leonetti a décidément tout d’un ovni. Outre le fait que ce soit un premier film et qu’il dépasse à peine une heure, c’est surtout un film de science-fiction… français ! Genre que le cinéma français n’explore que très peu, et à raison, car ses incursions sont (presque) toujours des échecs.
-          Et ce n’est pas « Carré blanc » qui y changera quelque chose, puisque le film est lui-aussi raté.
-          Non, il ne l’est pas complètement, ou en tout cas pas autant que la référence absolue en matière de SF française ratée, « Dante 01 » de Marc Caro. Mais tu m’as coupé : la dernière et peut-être la plus grande des bizarreries de « Carré blanc » est son interdiction aux moins de 16 ans.
-          Que je n’ai pour ma part pas du tout comprise, les quelques scènes de violence de ce film  n’étant jamais montrée de manière frontale. Sûrement vaut-elle pour l’ambiance dégagée, décrivant une société totalitaire où tout est cauchemar. Ou pour donner du sens au titre, le carré blanc étant la première signalétique d’avertissement instituée à la télévision en France (il indiquait alors qu’un film n’était pas « tout public »).
-          La mise en scène ne ménage pas le spectateur et s’attache à créer un climat d’angoisse tout au long du long-métrage : beaucoup de plans sont des zooms qui créent une sensation d’enfermement, les paroles sont rares, le montage est désordonné et désorientant. Le malaise qu’inspire la mise en scène est la principale qualité du film.
-          Sauf que celle-ci est mise au service d’une histoire trop faible. « Carré blanc » ne va pas plus loin que la description par le regard du couple interprété par Sami Bouajila et Julie Gayet (complètement inattendus dans un tel film) de la société dans laquelle ils évoluent. Le film s’arrête au moment-même où la description cesse, où le spectateur ignorait enfin ce qui pouvait suivre.
-          La société présentée par « Carré blanc » est censée être une « anticipation » de la nôtre : pour être embauché, les candidats à un poste de cadre doivent passer des évaluations horribles les torturant psychologiquement et physiquement, les faibles sont tués impitoyablement ou se suicident avant, leurs cadavres récupérés à des fins qu’il vaut mieux taire, la radio ne diffuse plus que des messages gouvernementaux en faveur de la natalité ou des reportages de croquet, et une seule et unique musique. C’est si dur et abominable que ce qui était censé être une critique des dérives de notre société actuelle perd toute crédibilité et ne laisse finalement qu’un mauvais souvenir dans l’esprit du spectateur. Le film se révèle alors aussi vide et vain qu’un exercice de style.

On retiendra…
La mise en scène clinique et radicale. L’interprétation des acteurs.

On oubliera…
Le scénario, qui passe totalement à côté de son objectif évident.

« Carré blanc » de Jean-Baptiste Leonetti, avec Sami Bouajila, Julie Gayet,…