mercredi 6 juillet 2011

Le raccourci de Meek (La dernière piste)

        Dans « La dernière piste », en compétition à Venise l’an dernier, on suit les errances de colons américains perdus dans les immenses espaces de l’Ouest. Ils n’ont plus d’eau et ne savent pas où en trouver. Une course contre la soif s’engage, jusqu’à la capture d’un indien.


        Les personnages et les paysages sont ceux du western, mais le film est bien plus atypique que cela – difficilement réductible à un genre. Le rythme assez hypnotique du film fait ressentir au spectateur la lenteur du voyage et ses fatigues ; les péripéties « classiques » attenantes à tout voyage (comme un essieu qui se casse), contrant l’ennui et relançant l’intérêt du film ; l’attente par les colons d’un événement heureux qui se transformera en désespoir… Les gestes présentés sont simples, banals et ont la force du quotidien, mais par la force du film et de leur poids historique ils sont néanmoins passionnants.

Le pouvoir de la suggestion
        Le spectateur est donc laissé à lui-même au milieu de cette caravane qui se cherche un chef. Le film lui laisse toute latitude pour observer et réfléchir, et c’est ce qui fera toute la force de sa deuxième partie (après la capture de l’indien). La caméra a alors familiarisé le spectateur avec les colons américains, l’identification a pu opérer. Le spectateur ne peut donc que buter comme les colons contre la figure de l’indien, si résolument étrangère qu’elle devient l’incarnation de l’inconnu et de l’altérité. Que fait-il ?, que dit-il ?, il est impossible de le savoir. Le champ laissé à la réflexion pour le spectateur fait alors des merveilles, puisque le pouvoir de suggestion fonctionne pleinement à chaque geste mystérieux de l’indien. Peut-être à vide, peut-être pas. Cela dépendra de chacun et de son humeur. L’interprétation du comportement de l’étranger peut même amener à voir « La dernière piste » comme un film d’horreur (!).

Une fin pleine de sens
        Mais le film serait un peu vain s’il ne se distinguait que par cette énigme. Or lors de cette deuxième partie on assiste, toujours aussi fasciné, à l’évolution des relations dans la caravane face à l’irruption de l’inconnu ; et en particulier, guidé par une caméra qui s’attarde volontiers sur leurs visages, au glissement du commandement de la caravane des hommes aux femmes, Emily Tetherow (Michelle Williams) en tête. « La dernière piste » étonne alors encore en devenant un film aux allures de western... féministe.

On retiendra…
L’étrangeté de l’indien, le rythme du film et sa beauté visuelle.

On oubliera…
Une certaine lourdeur du montage lors d’un moment de tension à la fin du film.

« La dernière piste » de Kelly Reichardt, avec Michelle Williams, Paul Dano, Will Patton,…

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